Sergio Agüero, le sens du but en héritage

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Le Kun fait ses adieux à Manchester City. Il laisse la trace d’un buteur d’un pedigree et d’un sens du but uniques, souvent associé à outrance à son but mémorable en 2012 face à QPR.

Héros éternel

93:20. Sergio Agüero a beau y faire, tous les chemins le ramènent à ce moment où, face aux Queens Park Rangers, au nez et à la barbe du voisin United, il offre le titre à Manchester City pour sa première saison au club. Aux mots de Martin Tyler dans son micro, gravés à jamais dans le marbre, à la charge émotionnelle qui font oublier, presque instantanément, tout ce qui a suivi.

Mais, se souvenir de cet unique instant hors du temps serait faire injure au buteur qu’il a été, et qu’il est peut-être toujours. Le principal intéressé le dit lui-même sur le site du club, à l’heure de tourner la page : « C’est difficile, mais je ne veux pas que les fans se souviennent juste de moi pour le but que j’ai marqué contre QPR. Je veux qu’ils se souviennent de tous mes meilleurs moments lors de matchs importants. »

Après ce mémorable 13 mai 2012, près d’une décennie s’est écoulé où l’attaquant argentin est devenu bien plus que le héros du premier titre de l’ère émiratie. Il a dépoussiéré le record de buts des Citizens, vieux de plus d’un demi-siècle, le portant à 258 unités. Et peut se targuer d’être, si ce n’est le meilleur, du moins le buteur le plus régulier des années 2010 en Premier League.

Beaucoup ont été supérieurs à lui l’espace d’une saison à l’instar de Van Persie, Suarez, Kane. Un constat suffit à étayer cet argument – le Kun n’a figuré dans l’équipe type de la saison pour la première fois qu’en 2018. Il n’a d’ailleurs été sacré meilleur buteur du championnat qu’à une seule reprise, en 2014-2015. Ce qui nous fait venir à ce paradoxe – il est le plus grand buteur de la décennie sans avoir jamais été totalement le meilleur. Presque une anomalie pour un buteur de sa trempe, capable de scorer la bagatelle de 20 buts par saison.

Gracias @ManCity ! pic.twitter.com/aU9KSkQDUV— Sergio Kun Aguero (@aguerosergiokun) May 22, 2021

… et légende vivante

Si son arrivée était synonyme de promesse, à l’été 2011, rien ne le prédestinait pourtant à marquer, à ce point, l’histoire de son club. Ses nouveaux coéquipiers en ont d’ailleurs douté, certes pendant une très courte durée. « Je n’arrêtais pas de penser ‘nous avons Carlos (Tevez), raconte Micah Richards, ex arrière-droit des Skyblues, dans le Daily MailSans manquer de respect, il allait devoir être incroyablement bon pour égaler Tevez. » Arrivé avec le statut de jeune pousse du football mondial, en retrait par rapport à des monstres comme Messi ou Ronaldo, Sergio Agüero allait devoir faire ses preuves. Ce qu’il fit dès son premier match, contre Swansea, avec un doublé peu après son entrée en jeu. Et plus jamais quelqu’un ne douta de lui.

L’histoire d’amour était déjà écrite. La machine à but n’allait jamais vraiment s’arrêter durant près d’une décennie. Mais, pour continuer à grandir, comme à l’Atletico Madrid avec l’Uruguayen Diego Forlan, le jeune buteur a souvent eu besoin d’un binôme d’attaque pour dévoiler toutes ses capacités. Que ce soit avec Edin Dzeko lors du sacre en 2012, ou Alvaro Negredo en 2014, le Kun fut longtemps indissociable d’un partenaire d’attaque. Non pas qu’il n’était pas capable d’assumer la pointe seule, mais son explosivité et son sens du but nécessitait encore, lors de ses jeunes années, un complément physique et tout aussi habile.

Ce n’est presque, finalement, qu’avec Guardiola, que Sergio se vit confier les clés du camion, seul à l’attaque de City, non sans doute sur sa compatibilité avec le technicien catalan. Son aptitude à presser l’adversaire, à faire les efforts, soulevaient des questions et son départ semblait, un temps, inévitable. Jamais, physiquement, il ne sembla aussi fort. Plus besoin de point d’appui après tant d’années à écumer et écœurer les défenses de Premier League. L’attaquant argentin répondit au scepticisme à sa manière, en marquant des buts. « Quand il peut s’entraîner et enchaîner les matchs, Sergio est comme Romario, un véritable lion dans la jungle à 5 mètres, qui tue ses proies », salue, à l’heure de se quitter, l’ex-coach du FC Barcelone. En filigranes, il cite le principal frein de la carrière du Kun, à savoir ses multiples blessures, qui l’ont sans doute freiné pour inscrire 30 à 40 buts par saison.

Le fil rouge de toutes ces années reste son sens inné du but, son placement, sa vitesse. Comme il le dit lui-même, son but face à QPR ne doit pas occulter ses buts cruciaux en championnat, l’un des derniers demeurant sans doute celui de l’ouverture du score face à Liverpool, un soir de janvier 2019. Moins fulgurant qu’un Henry, moins fin et talentueux que Bergkamp, moins spectaculaire qu’un Suarez, Sergio Agûero peut se targuer d’être le buteur le plus clinique de la décennie et l’un des plus grands poisons des défenseurs du championnat. Entendre Rio Ferdinand vous désigner comme le meilleur attaquant de l’histoire de la Premier League et Virgil van Dijk vous citer comme son plus coriace adversaire vous situe un attaquant dans le panorama des joueurs d’exception.

Une page qui se tourne

A l’échelle du club, le départ de Sergio Agüero marque un tournant significatif. Il signe la fin du premier chapitre de l’ère émiratie à Manchester City. Un premier cycle incarné progressivement par une colonne vertébrale composée de Hart, Zabaleta, Kompany, Touré, Silva, et donc Agüero. Le buteur argentin était, depuis le départ de David Silva l’été dernier, le dernier des Mohicans. A son arrivée, il était surtout le maillon qui manquait pour atteindre le toit de la Premier League.

AGUEROOOOO ⚽️ Martin Tyler! The voice of my goal on QPR. Thank you for gifting me your personal notes on this match 93:20 pic.twitter.com/Hv9OgUR0wy— Sergio Kun Aguero (@aguerosergiokun) May 19, 2021

Mais, contrairement aux autres, il avait juré de ne partir que le jour où il remporterait la Ligue des champions. Remporter la coupe aux grandes oreilles, samedi prochain, clôturerait en beauté cette première phase et ouvrirait de nouvelles perspectives. Celles d’un club enfin au sommet de l’Europe, débarrassé de ce plafond de verre qui lui joue des tours dès que les plus hautes cimes du Vieux continent se rapprochent.

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