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Quand on évoque David Ginola, une pluie d’images flamboyantes envahit l’esprit : des dribbles chaloupés, des cheveux au vent, des frappes surpuissantes et une élégance naturelle qui semblait défier les lois de la gravité. Il était plus qu’un simple joueur de football. Il était un artiste, un poète du ballon, un funambule capable de transformer une action anodine en chef-d’œuvre inoubliable.
Et pourtant, malgré son talent incandescent, son palmarès ne reflète pas la grandeur de son génie. Pas de Coupe du Monde, pas de Ligue des Champions, pas de Premier League. Mais qu’importe. Car Ginola ne se mesurait pas aux trophées, mais à l’émotion qu’il procurait à ceux qui avaient la chance de le voir jouer. Et ça, c’est une richesse qu’aucune vitrine à trophées ne peut égaler.
Avant d’enflammer les stades anglais, c’est en France que David Ginola a écrit les premières pages de sa légende. Après des débuts prometteurs à Toulon et un passage à Brest, c’est au Paris Saint-Germain qu’il atteint une nouvelle dimension. Arrivé dans la capitale en 1992, il s’intègre rapidement à une équipe en pleine ascension, aux côtés de joueurs comme George Weah, Valdo et Paul Le Guen.
Ginola ne tarde pas à s’imposer comme l’un des joueurs les plus spectaculaires de Ligue 1. Sa capacité à éliminer un adversaire d’un simple contrôle orienté, son aisance technique et son amour des frappes de loin en faisaient un véritable cauchemar pour les défenseurs. Mais au-delà de ses dribbles et de ses accélérations, c’est surtout son sens du but qui impressionnait.
On se souvient notamment de sa frappe sublime contre le Real Madrid en Coupe UEFA en 1993. Un ballon amorti avec grâce avant une demi-volée imparable qui laissa Bodo Illgner, le gardien madrilène, totalement impuissant. Ce soir-là, Ginola n’était pas seulement un joueur de football : il était un magicien.
Mais malgré ses exploits sous le maillot parisien, une ombre va venir ternir sa carrière : la non-qualification de la France pour la Coupe du Monde 1994.
Le 17 novembre 1993 restera comme l’un des jours les plus sombres du football français. La France, qui n’avait besoin que d’un match nul contre la Bulgarie pour se qualifier au Mondial, se fait crucifier dans les dernières secondes du match. Et dans l’inconscient collectif, un homme porte la responsabilité de cette débâcle : David Ginola.
Un centre mal ajusté, une contre-attaque éclair, un but assassin d’Emil Kostadinov… Il n’en fallait pas plus pour que Gérard Houllier, alors sélectionneur des Bleus, charge Ginola d’un crime presque national. « Il a envoyé un missile Exocet dans le cœur du football français », lâchera-t-il après le match, transformant l’ailier parisien en bouc émissaire idéal.
Cette injustice hantera Ginola toute sa carrière. Car si cette erreur est bien réelle, elle ne peut résumer à elle seule l’échec des Bleus. Avant ce match, la France avait déjà compromis ses chances en perdant contre Israël. Mais le mal est fait, et Ginola se retrouve ostracisé par le football français. Blessé, meurtri, il décide alors de s’exiler en Angleterre, loin de la polémique.
Si certains joueurs s’effondrent sous le poids des critiques, Ginola, lui, choisit de répondre de la meilleure des manières : sur le terrain. En 1995, il traverse la Manche et pose ses valises à Newcastle United, où il trouve en Kevin Keegan un entraîneur qui comprend son football et qui lui donne toute la liberté dont il a besoin pour s’exprimer.
Dès son deuxième match avec les Magpies, il annonce la couleur : un dribble ravageur suivi d’une frappe enroulée somptueuse. Le public de St James’ Park tombe immédiatement sous son charme. Il n’était peut-être pas un buteur prolifique, mais chaque but qu’il marquait ressemblait à une œuvre d’art.
La Premier League des années 90 était une époque bénie pour les ailiers de talent. Ryan Giggs, Steve McManaman, Marc Overmars… Mais aucun d’entre eux ne jouait comme Ginola. Positionné à gauche malgré sa préférence naturelle pour le pied droit, il excellait dans ce rôle d’ailier inversé bien avant que ce ne soit une mode. Ses changements de rythme imprévisibles, ses frappes soudaines et son élégance unique faisaient de lui un joueur à part.
Et si Newcastle ne parvient pas à remporter la Premier League malgré une saison 1995-1996 de rêve, Ginola gagne quelque chose de bien plus précieux : l’amour du public anglais.
En 1997, direction Londres. Ginola signe à Tottenham Hotspur et devient rapidement l’un des joueurs préférés des supporters. Malgré une équipe parfois inconstante, il brille sous le maillot des Spurs, avec des performances de haut vol et des buts somptueux.
L’apothéose arrive lors de la saison 1998-1999. Sous les ordres de George Graham, un entraîneur pourtant réputé pour son pragmatisme, Ginola livre la meilleure saison de sa carrière anglaise. Il porte Tottenham à lui seul, illumine la Premier League et marque des buts d’anthologie, comme son slalom magique contre Barnsley en FA Cup.
Cette année-là, il est couronné Joueur de l’année par la PFA et par la FWA, une distinction rarement attribuée à un joueur évoluant hors du Big Four de l’époque. Preuve que même dans une équipe moyenne, Ginola était capable de toucher les sommets.
La suite de sa carrière est plus discrète. Un passage à Aston Villa, une dernière pige à Everton, puis une retraite qui arrive en 2002. Son après-carrière le verra devenir consultant, mannequin, acteur… Mais toujours avec ce même charisme naturel qui a fait de lui une icône.
Alors, comment juger l’héritage de David Ginola ? Il n’a pas le palmarès d’un Zidane, ni les statistiques d’un Henry. Il n’a jamais disputé une Coupe du Monde, jamais soulevé la Premier League, jamais remporté la Ligue des Champions.
Et pourtant, son nom continue de faire briller les yeux de ceux qui ont eu la chance de le voir jouer. Parce que Ginola, c’était plus qu’un footballeur. C’était une émotion. Une élégance rare. Une certaine idée du football, où le style comptait autant que le résultat.
David Ginola n’était peut-être pas un grand buteur, mais il était un magnifique buteur de grands buts. Et dans le cœur des amoureux du football, c’est bien plus précieux que n’importe quelle médaille.
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