Pour la reprise de la saison 2019/20 de Premier League, God Save The Foot vous présente chaque jour une de ses équipes. Après seulement deux années passées dans le très rude Championship, les Blades de Sheffield United ont connu une ascension express au point de retrouver la très prestigieuse Premier League, douze ans après leur dernière participation. Pour y faire figuration ? « Jouer les trouble-fêtes » selon le très charismatique entraîneur Chris Wilder.
Démarrage compliqué et accession méritée
Douze ans qu’ils attendaient ça. Au sortir d’une saison 2018/2019 de Championship qui aura réservé, une fois de plus, son lot d’émotions, de surprises, de déceptions et de cruautés – une petite pensée pour le Leeds de Marcelo Bielsa, installé dans les deux premières places du classement durant les trois quarts de l’exercice – les fans de Sheffield United ont vécu la promotion de leur équipe favorite au sein du plus haut échelon du football anglais, dans l’allégresse de faire partie des vingt premiers clubs du Royaume, mêlée à la joyeuse surprise d’être promu aussi rapidement. Relégués en League One (D3 anglaise) au sortir de la saison 2010/11, les Blades n’auront attendu que deux ans avant de retrouver la Premier League, alors que leur dernière apparition dans le plus grand championnat du monde s’était terminée dans une infinie tristesse, à l’issue de l’exercice 2006-2007 avec une dix-huitième place concédée à la différence de but par rapport à Wigan, dix-septième et sauvé. Une quasi « double promotion successive » – après avoir fait bonne figure la saison dernière avec une dixième place accrochée – validée au soir de la 45e journée et l’incroyable nul entre Leeds et Aston Villa (1-1).
Avec cinq points d’avance avant leur dernière rencontre, les Blades rejoignaient ainsi Norwich, le futur champion, à l’étage du dessus. Après deux défaites inaugurales, la saison 2018/19 ne débutait sous les meilleurs auspices, et le club crée en 1889 ne fut pas considéré à juste titre comme l’un des favoris à la montée. Au club depuis 2016, Chris Wilder (ancien arrière droit de la maison, 1989-1992) ne panique pas et tente de trouver la bonne formule et l’alchimie avec les qualités de ses hommes. Et cela marche ! En enchaînant deux séries de quatre victoires consécutives, ses ouailles se replacent parmi les premières positions du classement. Bien installés dans les places qualificatives pour les play-offs, les Blades ont connu une superbe période entre la 23e et la 45e journée avec à la clé 15 victoires pour seulement deux défaites, et six nuls. La montée n’était alors plus un rêve. Deuxième avec 89 points derrière l’intouchable Norwich, cette promotion est surtout un caillou à envoyer chez son rival honni Wednesday, seulement douzième.
Un recrutement homogène
Plusieurs facteurs expliquent le retour de Sheffield United parmi les grands d’Angleterre. Meilleure défense de la saison 18/19 – 41 buts encaissés, à égalité avec Middlesbrough – qui va bien avec le rendu de 21 cleansheets, le club du South Yorkshire le doit surtout à Chris Wilder, lequel a su façonner une équipe très compacte qui se veut solidaire dès la perte du ballon. Mais la Premier League est une autre montagne à gravir. Le coach de 51 ans le sait et doit s’entourer d’hommes d’expérience, après s’être débarrassé de profils superflus. Lors de ce mercato, exit les Paul Coutts, Marton Cranie ou autre Conor Washington, des joueurs de complément avec une quinzaine d’apparitions en championnat, et Bramall Lane voit surtout le retour de l’enfant prodigue Phil Jagielka, 36 ans, après douze années passées à Everton. Formé à Sheffield et auteur de plus de 250 matches avec les Blades avant son départ pour le côté bleu de Liverpool en 2007, l’ancien international anglais (40 sélections, 3 buts) viendra apporter toutes son expérience à la paire de trois axiaux Basham-Egan-O’Connell, réputée très agressive.
L’expérimenté défenseur retrouvera son coéquipier chez les Toffees, le milieu bosnien Muhamed Besic, arrivé en prêt et auteur d’une saison complète du côté de Boro (37 apparitions, 2 buts). Un choix cohérent pour densifier le milieu de terrain. Si le retour de Jagielka et l’arrivée de Besic se sont faits dans le cadre d’un « free transfer » et d’un prêt (sans indemnité de transfert à débourser), le Board de Sheffield et Kevin McCabe, co-propriétaire du club, n’ont pas hésité à sortir le chéquier pour amener de la fraîcheur et de la profondeur à l’effectif. Un chèque d’un montant de £20M a été fait à Swansea pour racheter le contrat de la pépite Oliver McBurnie, attaquant prolifique dont les 22 réalisations la saison dernière ont convaincu Chris Wilder et son staff. Un contrat de quatre ans pour l’Ecossais mais surtout un transfert record pour Sheffield, qui a également dépensé £10M pour le Français Lys Mousset, en difficulté ces trois dernières saisons depuis son arrivée à Bournemouth en 2015. Une opération financière assez lourde mais le pari de l’ex-international Espoirs tricolore était à prendre, et le joueur formé au Havre pourra compter sur Chris Wilder pour l’épauler et l’accompagner dans sa recherche de confiance d’attaquant.
Le pari est bien le credo des dirigeants des Blades dans cette saison de retrouvaille avec l’élite, puisque Ravel Morrison débarque également dans le South Yorkshire. Désigné comme le « meilleur gamin jamais vu » par Sir Alex Ferguson quand ce dernier l’avait observé à Carrington, le centre d’entraînement de MU, Morrison, âgé aujourd’hui de 26 ans, n’a jamais réussi à confirmer au plus haut niveau. L’ancien équipier de Pogba avec les jeunes Red Devils était libre depuis la fin de son contrat avec Östersunds, club de première division suédoise qu’il avait rejoint en provenance de la Lazio début 2019. Engagé pour un an, renouvelable à la suite d’une période d’essai durant la préparation, Morrision possède donc une nouvelle chance en Angleterre, après être déjà passé par Birmingham, QPR et West Ham. Trois joueurs rodés au Championship ont également rejoint les rangs des Blades : Ben Osborn, Callum Robinson et Luke Freeman, qui débarquent respectivement de Nottingham Forest, Preston North End et QPR. Des recrues offensives âgés entre 24 et 27 ans dont l’insouciance et les qualités ne seront pas de trop pour Chris Wilder, qui n’a constaté que le départ majeur de Mark Duffy au milieu (37 apparitions, 6 buts), en prêt pour Stoke City.
Les joueurs à suivre
Mais la réelle satisfaction de Chris Wilder fut le retour de Dean Henderson, prêté une nouvelle fois après avoir prolongé avec les Red Devils jusqu’en juin 2022. Le gardien de 22 ans a véritablement performé dans les cages des Blades, participant à tous les matches de Sheffield United lors de l’exercice précédent. Ses réflexes sur sa ligne ainsi que son sens de l’anticipation et ses sorties aériennes ont rapidement été appréciés à Bramall Lane. Des qualités que les observateurs ont pu remarquer lors de l’Euro Espoirs disputé avec l’Angleterre en Italie et à Saint-Marin en juin dernier. Offensivement, Wilder pourra toujours compter sur la doublette dévastatrice Sharp-McGoldrick. Après cinq années passées chez les Tractor Boys d’Ipswich Town – relégués en League One cette année – l’Irlandais a fait un bien fou à l’attaque de Sheffield United en plantant 15 pions tout en étant régulier dans son travail d’attaquant. Le joueur de 31 ans effectue un pressing tout terrain pour la récupération et pèse par sa qualité de jeu dos au but, où ses passes dosées permettent des décalages précieux. Son entente avec Billy Sharp est l’un des éléments explicatifs de la montée de Sheffield en Premier League, et nul doute qu’elle continuera à faire des ravages à l’étage du dessus. Surtout si l’Anglais continue de performer.
Pour les amoureux du Championship, les présentations s’avèreraient inutiles pour celui qui a terminé troisième meilleur buteur du championnat avec 23 buts. Le natif de la ville a surtout toujours eu une relation particulière avec son club formateur. Passé par les équipes de jeunes et le début de sa carrière professionnel en 2004, Sharp vit actuellement sa troisième aventure avec les Blades après des débuts compliqués et un retour au bercail trois ans plus tard qui l’a été tout autant. En prêt à Doncaster, Reading ou Nottingham Forest, ou en transfert permanent du côté de Scunthorpe United, Southampton ou Leeds, l’attaquant n’a jamais vraiment confirmé les espoirs placés en lui, à part deux saisons en League One chez les Irons (de 2005 à 2007), avec 44 buts en 66 matches. L’apprentissage du haut niveau anglais est compliqué, et il faut attendre sa troisième arrivée chez les Blades, en 2015 – alors en D3 – pour qu’il puisse bénéficier d’une certaine régularité dans ses performances. Enfin, à 33 ans. Chris Wilder sait qu’il aura besoin de l’efficacité de son attaquant phare pour rester en Premier League. Même s’il bénéficie d’une défense de fer et d’un milieu prêt à tout pour démontrer que la solidarité affichée sur le terrain de son équipe n’était pas le tube d’une saison, les buts font bien gagner les matches. La mission de Billy Sharp, même s’il ne sera pas seul dans cette tâche, s’avérera donc très importante pour Sheffield, son entraîneur et ses fans.
Un schéma tactique maîtrisé
Pour ses retrouvailles avec la Premier League, Sheffield ne devrait pas changer de système et Chris Wilder s’appuiera bien évidemment sur un schéma tactique qui marche. Son 3-4-1-2, parfais muable en 3-5-2, avait fait la force de cette équipe, dont l’objectif – hormis la pression du résultat – constitue toujours la fameuse bataille dans la zone de construction en augmentant la capacité de l’équipe à récupérer le ballon loin de son but par la création d’un surnombre, alimenté par deux latéraux avancés sur le terrain. Les apports de George Baldock et Enda Stevens, les deux arrières latéraux indiscutables des Blades la saison dernière, se révèlent cruciaux par leurs montées offensives, alors qu’ils n’ont aucun mal à répéter les courses pour assurer leur première tâche, défendre. Ils peuvent bénéficier également de la couverture, quand ils montent vers la surface adverse, de Chris Basham et de Paul O’Connell, alignée à gauche et droite de la défense à trois au côté du patron John Egan. Cependant, le rôle de l’arrière garde pourrait être modifié cette année avec l’arrivée du vieux briscard Phil Jagielka.
Au milieu, Chris Wilder comptera sur le travail de sape des indéboulonnables Oliver Norwood et John Fleck – l’arrivée de Besic permettra de les faire souffler – si précieux dans la construction du jeu et leur rôle de relais à la relance de leurs défenseurs. Tout en bloquant les lignes de passes adverses, le numéro 10 fut leur point d’appui préférentiel, un poste dévoué la saison passée à Mark Duffy, parti depuis chez les Potters. Mais les recrues Ravel Morrison, Luke Freeman ou même Ben Osborn peuvent emprunter cette position et le coach anglais aura l’embarras du choix pour confier les clés de l’animation offensive. Devant pas de surprise, si Chris Wilder comptera bien évidement sur Billy Sharp et David McGoldrik pour semer la pagaille dans les défenses adverses, les recrutements intelligents de Lys Mousset, de Callum Robinson mais surtout d’Oliver McBurnie serviront, si ce n’est à apporter la profondeur nécessaire et indispensable pour un promu, de point de variété dans ses profils offensifs afin de s’adapter au profil de l’adversaire.
Maintien et « trouble-fêtes »
Cet exercice 2019-2020 ne dérogera pas à la règle des promus qui n’ont pas goûté à la Premier League depuis bon nombre d’années, comme ceux qui découvrent pour la première fois l’élite au pays de sa majesté. Le maintien sera bien l’objectif unique, ce que Chris Wilder avait rappelé aux journalistes lors de la préparation de son équipe : « Vous me posez la question mais vous avez déjà la réponse. Notre but est de rester en Premier League, il n’y aura rien d’autre qui comptera. Et nous seront prêts pour affronter nos principaux rivaux dans cette quête ». Sans non plus afficher une certaine ouverture si les choses se goupillent bien pour ses Blades. « Si tout se passe comme nous l’avons souhaité, à un certain moment de la saison, pourquoi pas voir jusqu’où nous pouvons aller. Jouez les trouble-fêtes ? L’équipe peut jouer sur cela et ça peut être une motivation supplémentaire ».
Le message est clairement accepté par les fans qui souhaitent voir leur équipe surfer sur la dynamique incroyable de l’exercice précédent et se lever au rythme du jeu épatant développé à Bramall Lane. Ils s’attendent clairement à savourer ce retour au sommet, à l’image du désormais emblématique Billy Sharp, le capitaine : « Obtenir une promotion avec mon club d’enfance, c’est quelque chose, mais le faire deux fois et accéder à la Premier League, c’est incroyable, et je vais en profiter pleinement maintenant. J’espère qu’on va arriver à faire quelque chose de grand, nos supporters le méritent. » Depuis leur promotion, Sheffield United vit un véritable conte de fées et souhaite poursuivre son projet de jeu incarné par son charismatique entraîneur. Dotés d’une défense de fer, d’un milieu très travailleur et d’une attaque clinique et efficace, et auteurs d’un recrutement cohérent, les Blades ont tout pour mener à bien leur but. La lame est aiguisée et peut trancher nettement. Attention à ne pas être marqué.