C’est une romance de plusieurs années, une aventure jamais inachevée. Quatorze longues années, quatorze trop longues années se sont écoulées. Il revient là où tout a commencé en Europe. A 38 ans, Tim Cahill, idole de The Den, a décidé de clore son chapitre de footballeur sous le maillot qui l’a illuminé alors qu’il épousait ses jeunes années. Un dernier salut, une dernière embrassade, pour cette figure discrète et dévouée dont la carrière a été guidée par une seule tirade : jouer pour le plaisir de jouer. L’un des derniers.
Ce lundi 29 janvier 2018 restera longtemps dans la mémoire collective des fans de Millwall. Il est 20h sur Londres quand une vidéo est postée sur le compte Twitter du club. Le temps se fige. Accompagnée du hashtag #TheReturn, celle-ci met fin aux dernières secondes de (léger) suspense. Oui, « Timmy » est de retour à la maison jusqu’en mai, au minimum. Figure emblématique du football Australien, le milieu offensif de 38 ans a fait ses premières foulées de footballeur professionnel dans l’une des ambiances les plus particulières de la capitale anglaise, The Den, temple du hooliganisme, il y a de cela plusieurs décennies : « Il est difficile de mettre en mots. La première chose que je voulais faire avec Neil [Harris, le manager] était de marcher sur le terrain et dans le tunnel afin d’avoir à nouveau ce sentiment qui me rappelle tant de souvenirs confiait Cahill sous le poids du sceaux émotionnel au Guardian après sa signature une fois que vous passez cette ligne blanche, vous ressentez une sensation nerveuse que j’avais seulement quand j’avais 16 ans lorsque j’ai signé pour la première fois. J’ai toujours dit que si je revenais en Angleterre, je rentrerais à la maison. Millwall est l’endroit où j’ai appris mon métier et c’était la période d’apprentissage la plus importante de ma vie. » Le capitaine des Socceroos sait à quel point Millwall lui doit beaucoup.
Millwall, « le refuge » des Australiens
Alors qu’il n’a que 16 ans, il quitte l’Australie pour tenter sa chance en Angleterre pour devenir footballeur professionnel. Logé à seulement 30 minutes de Londres, il est en enrôlé quelques mois après par Millwall qui fonde de réels espoirs en ce jeune australien. A 17 ans, Tim Cahill est lancé dans le grand bain par son coach Billy Bonds. A l’époque, Cahill n’est pas le seul « Aussies » à se parer du maillot des Lions, Lucas Neill arrivé trois années auparavant, complète la colonie australienne qui a posé ses bagages dans ce quartier très dur de Londres. Mais ils ne furent pas les premiers. Millwall et l’Australie ont une riche et brillante histoire. Avant eux, Dave Mitchell et Jason van Blerk ont marqué de leur empreinte le club. Puis, derrière Cahill et Neill, Kevin Muscat revêtira la tunique de Millwall, qui plus est en arborant le brassard de capitaine pendant une saison. L’été dernier, le club a renoué avec sa tradition en enrôlant le latéral de Bradford James Meredith devenu rapidement un titulaire indiscutable sur le flanc gauche des Lions. Jeudi, Tim Cahill a d’ailleurs incité ses compatriotes à rejoindre l’Angleterre en conférence de presse, et plus particulièrement le second échelon : « Lorsque vous regardez une équipe de Championship s’entraîner, l’intensité est tellement élevée, surtout à Millwall. Quand on s’entraîne en Australie, c’est dur, mais c’était confortable et j’avais besoin de plus. Tous les joueurs Australiens qui évoluent en A-League (NDRL : la première division australienne), devraient venir jouer en Championship. »
J’ai toujours dit que si je revenais en Angleterre, je rentrerais à la maison.
Durant sept ans, « Timmy » éclabousse The Den de ses performances éclatantes. Au compteur, 56 buts inscrits en 249 matchs disputés avec en point d’orgue, le fameux parcours jusqu’en finale de l’édition 2004 de la FA Cup perdue contre Manchester United, le but victorieux face à Sunderland en demi-finale et la nomination dans la PFA First Division Team of the Year la même année. Il est d’ailleurs le seul joueur de l’histoire de Millwall à avoir obtenu cette distinction à ce jour. Sa légende fut façonnée.
Cahill et Harris, comme au bon vieux temps
Le poids de l’entraîneur des Lions a véritablement pesé dans le retour de Tim Cahill : « Il voulait revenir et jouer pour Millwall, mais il voulait aussi revenir et jouer pour moi » avançait Neil Harris au site news.com le 31 janvier. Coéquipiers pendant six ans, les deux hommes se connaissent sur le bout des ongles : « Il veut être un leader. Tim va apporter de grandes qualités au vestiaire en tant qu’homme. Il a joué partout dans le monde et il est génial avec les jeunes joueurs. » Malgré les années qui se sont écoulées, Harris a retrouvé le gamin de 17 ans qu’il avait vu pour la première fois en 1997 : « Son attitude, sa discipline et son style de vie n’ont pas changé. À bien des égards, il est toujours l’enfant avec qui j’ai partagé un vestiaire il y a des années » mais aussi le professionnel qu’il est encore : « Les joueurs vont profiter de l’enthousiasme qu’il apporte. Quand je jouais avec lui, j’appréciais ce qu’il faisait. Depuis, j’ai suivi sa carrière et admiré ce qu’il a fait et je sais très bien ce qu’il peut apporter à mon vestiaire. A 38 ans, il est en pleine forme ! »
Englué en milieu de classement et n’ayant plus rien à espérer, Millwall pourra compter sur l’expérience de l’Australien pour progresser et préparer la saison prochaine dans de bonnes conditions. Cahill de son côté, a dans le viseur une dernière Coupe du Monde à disputer en Russie avec l’Australie qui retrouvera entre autres la France sur sa route. Et le choix de revenir dans le club de ses débuts n’est pas anodin. Non, non. Le Championship est une division compétitive avec des formations extrêmement performantes dans le jeu et l’impact physique. S’il devra se monter encore un peu patient avant de prendre part à un match de championnat – puisqu’il n’a pas foulé les pelouses depuis plusieurs semaines – nul doute qu’il saura répondre présent quand Harris le cochera dans le XI de départ ou en sortant du banc.
Et The Den a déjà hâte de retrouver son diamant, son chantre, son firmament, comme l’ont montré les milliers de fans disséminés dans les travées du stade qui tonnaient son nom lors de sa présentation. Quatorze années sont passées mais l’histoire d’amour entre Tim Cahill et Millwall n’est pas prête de s’arrêter.