Gareth Barry, une certaine allégorie du bien

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Gareth Barry a tiré sa révérence en août dernier à 39 ans après avoir brisé le record du plus grand nombre d’apparition dans l’élite du football anglais. A travers quatre clubs au cours de sa très longue carrière, il a touché le graal des plus grands trophées nationaux, mais le gamin de Villa restera hautement valorisé grâce à sa régularité et sa fiabilité sur le pré durant 22 ans. Et perçu comme l’un des grands des temps modernes outre-Manche.

Servir avec honneur ses quatre clubs professionnels, le blason et les couleurs qu’ils défendent. Et il n’est pas étonnant que chacun d’entre eux ont publié les hommages naturels lorsqu’il a annoncé l’inévitable : sa retraite, fin août dernier, à l’âge de 39 ans. Tous furent très élogieux, cela va de soi, mais celui d’Everton résuma sans doute le mieux la vie de footballeur du recordman d’apparition en Premier League (653) : « Félicitations pour cette magnifique carrière ». Les 22 années de Gareth Barry au plus haut niveau (20 saisons en Premier League, 2 en Championship) l’ont certainement été, bien qu’en prenant en compte le total de 833 apparitions totales, un autre record ne sera en aucun cas oublié des livres : celui du plus grand nombre d’avertissement reçus dans la nouvelle formule du championnat anglais depuis 1992 (119), sans compter plusieurs expulsions.

Une statistique qui met peut-être en lumière le triste sort réservé aux milieux de terrain de nos jours, ceux dotés d’un manque de finesse technique et en difficulté quand le rythme d’une rencontre s’emballe, alors que Barry n’étant qu’à peine trop en retard quand tout s’accélérait autour de lui. Quiconque ne connaît que la dernière partie de sa carrière pourrait supposer qu’il ait été aligné dans l’équipe spécifiquement pour faire sentir sa présence musclée. Membre capital de la colonne vertébrale de ses équipes, il n’aurait pas battu autant de records s’il n’était qu’un simple exécutant du jeu. Bien au contraire, Gareth Barry représentait bien plus que ce que l’on attendait d’un milieu de son profil : un joueur doué techniquement, un œil avisé pour la fameuse passe cassant les lignes, tout en sachant anticiper le danger, à bloquer les lignes de passe adverses et comprenant parfaitement ce que « équilibre d’équipe » signifie.

Gareth Barry : Transfert avorté, et taxi volé !

La plupart des joueurs seraient déjà comblés de se contenter de sa seule carrière au sein de son club formateur, Aston Villa (11 ans et 365 matches). Celle qui mettra en lumière le « Gareth Barry style », et qui forcera Rafael Benitez à convaincre sa direction de ramener le joueur à Liverpool en 2008. Le milieu, devenu joyau et capitaine, désirait s’amarrer aux rives de la Mersey, sa position donna des sueurs froides à Martin O’Neill, le manager repoussant avec force les vagues des Reds qui n’atteignaient de toute façon pas la valeur estimée des Villans pour leur joyau de capitaine. Ce transfert n’a jamais aboutit et Barry aurait probablement raté la période la plus réussie sur les prés outre-Manche : ses cinq saisons à Manchester City – rejoint en 2009, constituant une des premières pierres à la dynastie naissante du club racheté par Abu Dhabi un an plus tôt -, lui permettant de remporter la FA Cup en 2011 et le titre de champion un an plus tard.

C’est à 33 ans que Gareth Barry est libéré de City afin de signer pour un club de Liverpool, mais du côté bleu cette fois : Everton et ses 155 apparitions sous le bleu des Toffees d’Everton. A nouveau, il régalait les fans de Goodison Park de sa puissance, son impact physique et son flair du jeu. Il est d’ailleurs nommé joueur de la saison par les fans et par ses coéquipiers lors de la saison 2016/17. Son contrat expiré au terme de cette saison, il en avait encore assez dans les jambes pour signer un bail de trois ans avec West Bromwich Albion, où l’expérience s’est avérée est plus contrastée. Mais sa décision de pas raccrocher au début de la saison 2019/2020, à la suite de l’arrivée de Slaven Bilic – qui lui a proposé de prolonger son bail d’un an de de plus alors que Barry revenait d’une sérieuse blessure à un genou – ne visait qu’un seul but : se battre pour sa place. L’émergence de du jeune Romaine Sawyers au côté de Jake Livermore fut un caillou dans la chaussure usée du natif de Hastings, alors que l’épisode du « vol de taxi » lors d’une escale des Baggies en Catalogne en 2018 (en compagnie de quatre de ses coéquipiers : Jonny Evans, Boaz Myhill et le capitaine Livermore) a légèrement terni une réputation dans les West Midlands quasi parfaite. Les gradins de The Hawthorns s’en donnaient même à joie pendant l’échauffement de leur équipe pour égratigner l’égo de leur expérimenté milieu : « We’ve got Gareth Barry. He stole a fucking taxi. He thinks he’s playing GTA… » (« Nous avons Gareth Barry. Il a volé un putain de taxi. Il pense qu’il joue à GTA… »).

Populaire même dans une sélection téléguidée

Son image globale n’a tout de même pas été ternie, celle dont le combat fut la principale caractéristique sur le terrain. Barry donnait tout jusqu’à l’épuisement pour ses équipes, y compris l’Angleterre, observant sa première de ses 53 sélections sous l’ère Kevin Keegan (1999-2000). Un total qui casse le sentiment que le champion d’Angleterre 2012 ne fut pas vraiment populaire auprès de la demi-douzaine de sélectionneurs aux commandes au cours de sa carrière. Les fans de Villa, durant sa belle période à Birmingham, aimeront à rappeler la préférence accordée – logique mais sans doute trop systématique – aux joueurs composant les équipes du feu big 4 (Manchester United, Arsenal, Liverpool, Chelsea), empêchant Barry de devenir un des poids lourds de la sélection. Il a tout de même conservé une certaine popularité auprès des suiveurs des Three Lions, qui appréciaient tant son désir d’altruisme constant s’est retrouvé, donnant la liberté de briller aux stars de l’équipe.

Ces qualités lui ont donc permis de dépasser le légendaire Ryan Giggs et revendiquer le plus grand nombre de foulées de terrain dans le championnat le plus compétitif du monde. Un record qui devrait tenir un certain temps étant donné que James Milner, certes sur la fin, constitue le seul membre encore actif du top 10. Le “Loiner” (né et formé à Leeds United) ressemble au profil de Barry à bien des égards, quand bien même la paire a évolué ensemble à Aston Villa et à Manchester City. Avec cinq ans de moins et même si Milner est réputé pour son hygiène de vie exemplaire – celle qui lui a permis d’être un merveilleux soldat et couteau suisse (surtout vers la fin) partout où il est passé – les 114 matches qui séparent les deux milieux, qui ont franchi le plus rapidement la barre des 500 matches en PL, rappellent la longévité stupéfiante de celui qui a débuté dans l’élite un certain 2 mai 1998, à Hillsborough contre Sheffield Wednesday (3-1).

La caste des plus grands

Barry n’était pas le plus éclatant ou explosif mais il pourra se réjouir d’apparaître en tête d’une longue liste de professionnels expérimentés. Dans une certaine mesure, ces records ne sont qu’une question de timing – en termes d’apparitions : Ryan Giggs a joué ses 40 premiers matchs pour Manchester United avant l’instauration de la Premier League en 1992 – bien que la plupart des noms de ce classement ont quelque chose en commun au-delà d’une trentaine plus qu’entamée.

En laissant volontairement de côté les deux gardiens David James (572) et Mark Schwarzer (514), ceux se situant juste derrière Barry de illustres noms comme Ryan Giggs (632), Frank Lampard (609), James Milner (540), Gary Speed (535), Emile Heskey (516), Jamie Carragher (508) et Phil Neville (505). A la vue de cette liste, on pourrait dire que la constance est la qualité à avoir pour y apparaître et ainsi conclure : votre travail, aussi ingrat soit-il, est essentiel surtout quand on allie qualité et régularité. Ce qui caractérisera et symbolisera pour l’éternité la personne de Gareth Barry. Merci pour ce long moment.

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