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Dans l’univers impitoyable du football, où la passion est une religion et l’appartenance à un club une question d’identité, un mot est devenu une insulte ultime : footix. Mais qui est vraiment ce fameux footix ? D’où vient ce terme, et pourquoi suscite-t-il autant de mépris chez les amateurs du ballon rond ? Décryptage d’un phénomène aussi universel qu’inévitable.
Ironie du sort, tout commence en 1998 avec un coq bleu, au bec jaune et à la crête rouge : Footix, la mascotte de la Coupe du monde organisée en France. Si cette mascotte n’a rien d’extraordinaire en soi, elle a rapidement été moquée pour son design jugé enfantin et son nom aux sonorités simplistes.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Cette même année, la France devient championne du monde pour la première fois, générant un engouement national sans précédent. Des millions de Français découvrent alors le football et s’improvisent supporters de la dernière heure, fiers de vibrer avec les exploits de Zidane et Deschamps. Cet afflux soudain de nouveaux fans, souvent peu connaisseurs des subtilités du jeu, va être perçu avec condescendance par les amateurs de foot de longue date. Peu à peu, « footix » devient synonyme de supporter opportuniste, qui ne s’intéresse au football que lorsque son équipe gagne.
Aujourd’hui, traiter quelqu’un de footix, c’est remettre en cause son amour pour le football. C’est sous-entendre qu’il ne suit pas le sport avec assiduité, qu’il ne connaît ni les règles complexes du hors-jeu, ni les subtilités tactiques de Guardiola, et qu’il ne serait qu’un spectateur occasionnel, porté par l’effet de mode.
Le footix se repère à plusieurs comportements caractéristiques :
Mais derrière ces critiques, une question se pose : est-ce vraiment un crime d’aimer le football sans en être un expert ?
L’insulte « footix » est souvent brandie par les « vrais » amateurs de football, ceux qui se considèrent comme des passionnés authentiques. Pourtant, en y regardant de plus près, n’avons-nous pas tous été footix un jour ?
Car après tout, l’amour du football peut naître de multiples manières. Certains grandissent dans une famille de supporters et héritent d’un club comme d’un patrimoine. D’autres découvrent ce sport à travers une Coupe du monde et y prennent goût progressivement. Doit-on vraiment mépriser ceux qui tombent amoureux du football à travers un moment fort, sans connaître par cœur l’effectif du RC Lens ou l’histoire de Nottingham Forest ?
Le foot moderne a changé la donne. Avec la mondialisation du football et la diffusion massive des matchs à la télévision, il est plus facile que jamais de suivre une équipe à distance. On peut être un supporter passionné du FC Barcelone en vivant à Lille, ou vibrer pour Boca Juniors sans avoir jamais mis les pieds en Argentine.
Ce phénomène a donné naissance à une nouvelle catégorie de supporters à distance, analysée par des sociologues comme Ludovic Lestrelin, qui explique que « l’affranchissement des barrières territoriales constitue une donnée importante de la réalité contemporaine du monde des supporters ». Autrement dit, il est aujourd’hui possible d’être un vrai fan, même sans lien géographique direct avec un club.
Si le terme « footix » est utilisé pour moquer, il cache en réalité une transformation profonde du football et de ses supporters. Autrefois ancré localement, le supporterisme est devenu global. Les réseaux sociaux et les plateformes de streaming permettent à des millions de fans de suivre des clubs du monde entier, sans jamais mettre les pieds dans un stade.
On reproche au footix de ne pas connaître l’histoire et la culture des clubs qu’il supporte, mais cette vision élitiste du football ne tient pas compte des évolutions du sport. Après tout, chaque supporter vit sa passion à sa manière. Certains aiment le foot pour ses tactiques et ses analyses poussées, d’autres pour son ambiance et son côté fédérateur.
Alors, doit-on continuer à se moquer des footix ou simplement accepter qu’ils font partie du paysage footballistique ? Car en fin de compte, ce sont eux qui remplissent les stades, font exploser les audiences et contribuent à la popularité du football. Sans eux, le football ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui.
Le terme « footix » restera sans doute encore longtemps une moquerie populaire dans le langage des supporters. Mais en vérité, il est peut-être temps de l’assumer avec moins de mépris et plus de bienveillance. Car si aimer le football, même sans en connaître tous les rouages, c’est être un footix… alors peut-être sommes-nous tous un peu footix au fond.
Et après tout, n’est-ce pas là toute la beauté du football : rassembler des millions de personnes, quelles que soient leurs connaissances ou leur ancienneté dans le game ? ⚽🔥
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