Mourinho expected

Temps de lecture estimé : 10 minutes

Vice-champion en titre de Premier League et une Europa League. Cela ne suffit pas pour Manchester United où la manière est plus que nécessaire pour les supporters et le board. Retour sur la tactique et la gestion du Special One chez les Red Devils, avec un regard sur les expected goals et assists et ce qu’on peut attendre des changements en cours du côté de Manchester United.

Après le succès, la descente aux enfers ?

Lorsque Van Gaal quitte le club après deux ans sans le moindre trophée majeur, le board américain de Manchester United avait voulu donner un signe fort aux fans et pensait sans doute se donner les moyens de réussir en recrutant l’un des meilleurs manager au monde.

La première saison du Portugais est quelque peu mitigée : une 6ème place en Premier League mais un sacre en Europa League, significatif d’une qualification en Champions League pour la saison prochaine. Une performance quand on connaît la jeunesse et le peu d’affinité dans le groupe.

C’est sur cette victoire que Mourinho capitalise et garde un groupe cohérent, à la fois d’un point de vue tactique comme managérial. Lors de la saison suivante (2017-2018) les performances sont au rendez-vous et les Red Devils finissent 2ème derrière le rival bleu – hors d’atteinte durant cette dernière campagne. Plus qu’un style, c’est surtout une attitude que Mourinho apporte au sein du groupe.

Les prémisses d’une saison 2018-19 difficile

En regardant les tendances d’expected goals et d’expected goals conceded on peut voir le début du déclin ressentit cette saison. A l’inverse des performances brutes, trop sensibles aux aléas pour être analysées de cette manière, les expected goals permettent de mesurer les qualités des occasions créés. Pour plus de détails la partie « Expected Goals » explique le processus de modélisation.

Le graphique ci-dessous présente l’évolution de ces deux mesures sur une moyenne roulante de 15 matchs, allant de 2015 jusqu’à aujourd’hui.

On voit très bien le pic de forme lors de la victoire en Europa League. Cependant les choses se gâtent dès la fin de saison dernière, lorsque Manchester United n’a plus grand-chose à jouer en championnat. Au-delà du taux d’expected goal qui est plus ou moins le même qu’en 2016-2017, c’est la montée des expected goals conceded qui inquiète.

Plusieurs causes peuvent être données:

La baisse de niveau de De Gea. Bien qu’il soit toujours l’un des meilleurs gardiens du monde, le portier espagnol a enchaîné quelques mauvaises performances et n’est plus aussi décisif qu’auparavant. Les chiffres cette saison sont assez clairs : seulement 2 clean sheet en 18 rencontres.

Cependant on ne peut pas tout imputer au gardien de but et c’est sans doute la défense et le milieu de terrain qui font défaut. Avec la blessure de Valencia et de Bailly, les Reds Devils ont été privés d’éléments majeurs lors des saisons précédentes. De plus, le trop grand nombre de changements dans le duo central n’a pas permis aux joueurs de trouver des automatismes. A cela, il ne faut pas oublier les titularisations répétées de Valencia et Young en défense alors que ces derniers sont plus des ailiers de formation.

Si on remonte jusqu’au milieu du terrain, là aussi le bât blesse. Avec un Matic en deçà et des joueurs comme Pogba, Herrera ou Fellaini encore trop inconstants dans le travail défensif, l’écart entre les défenseurs centraux et le milieu est parfois trop important, laissant des brèches pour les offensives adverses. L’arrivée de Fred cet été pose donc question quand on connaît les appétences du brésilien pour le jeu offensif et le style de jeu du coach portugais. La venue d’un milieu défensif de métier – plus que Matic – aurait été probablement judicieuse.

Un manque cruel de jeu et des choix forts

Bien que le style tactique de José Mourinho ne soit pas basé sur un jeu de possession et un pressing très haut, le coach portugais avait l’habitude de proposer un semblant de jeu : une alternance de contres ou de phases rapides avec un jeu assez vertical.

Depuis la saison dernière l’attaque de Manchester United est assez pâle à voir, avec un manque de jeu et d’inventivité dans les derniers mètres. Ce manque de créativité est assez illogique quand on connaît les joueurs à disposition en attaque : Pogba, Mata, Martial, Sanchez, Rashford, Lingard et Lukaku.

Pour illustrer et tenter de comprendre ce phénomène, voici les expected assist map de Pogba et Lukaku permettant d’analyser plus facilement le départ (points) et les destinations (zones) des passes et leur « dangerosité » (plus de détails en fin d’article sur la méthode utilisée).

La carte de Paul Pogba confirme les difficultés du Français à être réellement dangereux et mener le jeu. Bien que ce ne soit pas forcément les consignes données par Mourinho, c’est probablement le seul joueur du milieu étant capable de jouer ce rôle. Aligné majoritairement sur le côté gauche, la distribution géographique de ses passes est assez homogène. On peut se demander si cette distribution montre l’importance de Pogba dans le « jeu » mancunien ou si, à l’inverse, il joue sur plusieurs fronts à la fois.

Comme beaucoup d’autres l’on déjà dit : le faire évoluer dans rôle de meneur ou entre les lignes, comme il pouvait le faire à la Juventus Turin, pourrait catalyser ses qualités et le laisser un peu plus libre vis-à-vis des tâches défensives.

Pour Lukaku le graphique est plus surprenant. La position moyenne de ses passes est assez basse pour un attaquant et elles ont tendance à venir de la partie droite du terrain.

Encore un signe de l’incomplète intégration de l’attaquant belge dans le système de jeu mancunien ? Pas forcément. Les 7 passes décisives réalisées la saison dernière confirment l’idée que Lukaku n’est pas seulement un grand attaquant de pointe jouant en puissance. Il sait aussi jouer avec ses partenaires tout en étant assez performant dans les derniers mètres (16 buts en Premier League la saison passée).

Pourtant on sent qu’il pourrait être encore plus performant. Si l’on reprend la répartition des titularisations des joueurs les plus offensifs on remarque que les joueurs évoluant autour de l’attaquant sont rarement les mêmes.

Ainsi le manque d’un vrai second attaquant dans l’effectif – Rashford ou Martial n’ont pas joué à ce poste depuis longtemps – ne permet pas vraiment de mettre en place une rotation ou un esprit de compétition entre attaquants comme cela peut se faire dans les autres clubs (Lacazette – Aubameyang à Arsenal ou Morata – Giroud à Chelsea).

De plus, les ailiers évoluant en retrait de Lukaku – Rashford, Martial ou Lingard – ne sont pas réellement alignés dans les positions qu’ils affectionnent.

On remarque aussi que peu de joueurs se situent régulièrement dans les half-space – zones entre l’axe du terrain et les ailes. Pourtant, l’effectif mancunien ne manque pas de profils ayant les caractéristiques pour jouer dans ces parties du terrain : Lingard, Mata, Pogba, Sanchez ou encore Fred.

Un retour aux sources

Quand on voit les joueurs du 11 type en plus du vivier de jeunes on se dit que Manchester United pourrait jouer un autre football, plus porté sur le jeu collectif et offensif comme cela pouvait être le cas sous Sir Alex Ferguson.

Avec l’arrivée de Solskjaer – prêté par le club de Molde en Suède – les matchs du côté d’Old Traford devraient – sans doute – aller dans ce sens avec un entraîneur prônant un jeu offensif basé sur de la possession et un pressing haut à l’instar de certains de ses homologues, comme Jürgen Klopp ou David Wagner.

En attendant sans doute un entraîneur d’un plus grand calibre (les prétendants étant Zinedine Zidane, Laurent Blanc, Mauricio Pochettino ou encore Michael Carrick), Solskjaer est un choix plutôt intelligent : il a joué en tant que joueur à Manchester de 1996 à 2007 puis s’est occupé de l’équipe réserve de 2008 à 2010, où il croisera notamment Paul Pogba. Avec une grande connaissance des joueurs de l’académie, un style de jeu plus « moderne » et raccord avec les années Ferguson, Solskjaer devrait être le tremplin parfait pour l’entraîneur qui prendra la succession, probablement durant l’été 2019.

Encore en lice en Champions League, le coach norvégien pourrait signer une ou deux recrues en hiver pour compléter son équipe – les dernières rumeurs font état de Diego Costa ou Toby Alderweireld – mais devra surtout stabiliser l’effectif. En championnat le titre semble déjà hors d’atteinte mais un top 4 est encore jouable.

Expected Goals et Assists : la méthode

Les expected goals ou xG sont une mesure permettant d’évaluer les performances offensives d’une équipe ou d’un joueur. Dans un jeu où la chance de changer le score est assez faible, le résultat final ne donne pas forcément une image claire de ce qui s’est passé sur le terrain.

C’est pourquoi de plus en plus d’analyses sportives se tournent vers les modèles avancés tels que les xG, qui sont une mesure statistique de la qualité des chances créées ou concédées.

Le but ici est de créer un modèle permettant de mesurer la qualité d’une frappe en attribuant un score entre 0 et 1 (une probabilité) à chaque tir connaissant différentes variables (position du tir, distance par rapport au but, provenance de la passe, angle, etc…).

Ainsi chaque modèle peut être différent et c’est la qualité des variables utilisées et le type de modélisation qui permettra d’obtenir des résultats plus pertinents.

Cette modélisation permet alors de répondre aux questions « ce joueur aurait dû marquer tant de but(s) » ou « cette équipe aurait dû concéder plus de but(s) ».

Par exemple un joueur ayant marqué 10 buts mais ayant un xG cumulé de 13 a sans doute gâché des occasions « faciles. » A l’inverse avec un xG cumulé de 8, on pourra dire qu’il a réussi à marquer des buts dans des situations difficiles.

Les expected assists ou xA permettent quant à elles d’évaluer si une passe « aurait dû » être décisive ou non. Cette modélisation est similaire à celle des xG mais avec des variables différentes (position de départ, destination, distance, etc…). Une modélisation plus simple est d’attribuer le xG associé à une passe, mais cette méthode ne permet pas d’évaluer une passe n’ayant pas abouti par une frappe. Ainsi un joueur faisant des passes très précises mais peu converties par ses coéquipiers se verra attribuer un score de xA important, permettant de mettre en valeur ses qualités.

Encore une fois, ces statistiques ne sont pas forcément pertinentes dans toutes les situations mais elles permettent de mieux mesurer les qualités d’un joueur ou d’une équipe qu’en utilisant seulement les statistiques classiques comme le taux de possession ou le nombre de frappes au but.

Les données utilisées dans cet article proviennent d’Opta, les visualisations et modélisations étant de ma propre réalisation. Pour toute question n’hésitez pas à m’envoyer un message sur Twitter à @Ben8t.

Article plus récent

Vignette pourMourinho expected

Qu’apporte Billy Gilmour à Chelsea ?

Article plus ancien

Vignette pourMourinho expected

L’évolution des formations tactiques et leurs influences

Soyez le premier à laisser un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *