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Preview Euro 2020 : le Pays de Galles en quête d’apprentissage

Demi-finaliste surprise de l’Euro 2016 en France, le Pays de Galles retrouve une grande compétition avec la ferme intention de ne pas y faire de la figuration. Mais les Dragons ont vécu cinq années contrastées avec de nombreux changements.

C’était le 1er juillet 2016 au stade Pierre-Mauroy de Lille. Au terme d’une rencontre époustouflante, le Pays de Galles envoyait la Belgique, l’un des grands favoris de l’Euro, au tapis (3-1), pour l’une des plus grandes surprises de la compétition. Le matin même, dans la presse galloise, l’espoir était à son paroxysme : “Ce soir, les Gallois vont entrer sur la pelouse du stade Pierre-Mauroy pour atteindre l’immortalité. Mais leur parcours est déjà digne d’entrer dans l’histoire, une histoire qu’ils ont bâtie eux-mêmes”, écrivait le Western Mail. Malgré l’élimination en demi-finales contre le Portugal, futur vainqueur de l’Euro, beaucoup d’observateurs pensaient que ce parcours homérique allait permettre au Pays de Galles de devenir l’une des nations émergentes du football européen et être présent à chaque rendez-vous important.

Si on ne peut pas me donner les choses dont j’ai besoin pour travailler, alors il est peut-être temps de laisser la main à un autre sélectionneur

Chris Coleman, ancien sélectionneur du Pays de Galles

Mais à la suite de cette aventure idyllique, les Dragons sont vite descendus de leur nuage avec des qualifications pour la Coupe du monde 2018 complètement manquées. En cause, des tensions internes entre le sélectionneur Chris Coleman et la fédération autour du niveau des infrastructures de la sélection. “Si on ne peut pas me donner les choses dont j’ai besoin pour travailler, alors il est peut-être temps de laisser la main à un autre sélectionneur et à de nouvelles idées. Je n’ai que 47 ans et j’ai encore beaucoup de choses à découvrir dans le monde, glissait-il, un brin éruptif, à l’époque dans la presse galloise. Ce n’est pas une décision facile, car pendant longtemps nous n’avons pas réussi et notre dernière performance à l’Euro nous a montré qu’on pouvait y arriver”. Courroucé et sans doute désabusé par une campagne éliminatoire où les Gallois n’ont pu faire mieux qu’une troisième place derrière la Serbie et l’Irlande, Chris Coleman a claqué la porte. Sur le plan du jeu, difficile cependant de reprocher quoi que ce soit au sélectionneur qui a dû faire face aux multiples pépins physiques et défections de ses piliers (Gareth Bale, Aaron Ramsey, Joe Allen, Ashley Williams).

Ryan Giggs, une légende sous le feu des critiques

Chris Coleman parti, c’est le légendaire Ryan Giggs qui a pris le relais en janvier 2018. Objectif, qualifier le Pays de Galles pour l’Euro et installer petit à petit une nouvelle génération de jeunes talents. Parmi eux, Ethan Ampadu (Chelsea), Chris Mepham (Brentford), Tom Lockyer (Bristol Rovers), Matt Smith (Manchester City), David Brooks (Sheffield United), Connor Roberts (Swansea) ou Harry Wilson (Liverpool), tous âgés de 22 ans ou moins. Néanmoins, les premiers mois sont difficiles pour le Pays de Galles. Si le jeu est plus porté vers l’avant qu’avec Coleman et que les jeunes pousses prennent une place importante dans la sélection galloise, les résultats tardent à être convaincants, avec en point d’orgue une piteuse défaite en Albanie le 20 novembre 2018 (0-1) et une deuxième place derrière le Danemark en Ligue des Nations. La greffe tarde à prendre. Mais Giggs n’en démord pas, l’avenir du Pays de Galles passe par l’alliage entre les jeunes et les anciens, emmenés par un Gareth Bale toujours autant important : “Les jeunes peuvent apporter de la fraîcheur et instaurer de la concurrence. C’est ce que je veux faire sur la durée” arguait-il alors en conférence de presse. 

Tout n’a pas été rose pour la sélection galloise de Ryan Giggs durant les éliminatoires de l’Euro 2020 © Getty Images

En débutant la campagne de qualifications pour l’Euro 2020 en mars 2019, les voyants sont loin d’être au vert pour la bande à Giggs. Battus en Croatie et en Hongrie avant l’été, les Gallois n’ont que six points après quatre journées, mais parviennent finalement, sans être transcendants, à valider leur ticket pour l’Euro 2020 à l’automne. Presque miraculeux tant les choix, à la fois tactiques et personnels, de Ryan Giggs ont été critiqués pendant la campagne. Comme ceux de rappeler Ashley Williams qui ne jouait plus à Bristol City en Championship, de titulariser Joe Allen très moyen avec Stoke City et de rappeler Tom Lawrence, pris dans la tourmente médiatique et judiciaire après un grave accident de voiture. Contre vents et marées, le commandant Giggs a tenu bon et pu compter sur ses stars : Gareth Bale et Aaron Ramsey. Indéboulonnables dans le onze de l’ancien joueur de Manchester United, les deux poids lourds du Pays de Galles ont répondu présent dans les moments les plus difficiles. 

Gareth Bale et ses disciples

Ce n’est un secret pour personne au Pays de Galles, Gareth Bale reste l’atout majeur des Dragons depuis maintenant plusieurs années. L’attaquant de 31 ans a néanmoins réalisé une saison contrastée à Tottenham. Jusqu’au début de l’année civile, de nombreux fans gallois s’inquiétaient même du niveau de Bale en vue de l’Euro. De mieux en mieux au fil des semaines, avec notamment un temps de jeu nettement plus important à partir de mars (13 matches disputés dont 8 titularisations), le Madrilène semble avoir retrouvé des couleurs et devrait arriver à l’Euro en bonne condition physique. Dans son sillage, il peut compter sur la nouvelle vague galloise escortée de belles promesses : Harry Wilson (24 ans, 23 sélections), Ethan Ampadu (20 ans, 22 sélections) Daniel James (23 ans, 19 sélections), Chris Mepham (23 ans, 16 sélections) Joe Rodon (23 ans, 12 sélections) ou encore Joe Morrell, Neco Williams, Matt Smith, Dylan Levitt.

Une classe biberon pleine d’insouciance et de spontanéité qui va découvrir son premier Euro avec la soif d’apprendre et pourquoi pas, créer une belle surprise. Ces derniers mois, les bébés gallois ont offert en tout cas de solides prestations et sont en pleine progression. Exit donc les anciens grognards comme James Chester, Neil Taylor, Ashley Williams, Andy King, Joe Ledley, Sam Vokes, Hal Robson-Kanu pour certains retraités ou en fin de carrière. Seuls Wayne Hennessey (34 ans), Chris Gunter (31 ans), Joe Allen (31 ans) et évidemment Aaron Ramsey (30 ans) font figure “d’anciens” chez les Dragons. Un virage instauré par Giggs lors de son arrivée et qui n’a pas été dérogé par Page, son adjoint ces derniers mois. À l’instar de l’Irlande, un de ses voisins, le Pays de Galles entame un long cycle avec sa nouvelle génération qui doit l’emmener au Qatar dans un peu plus d’un an et se qualifier, ensuite, pour les prochaines échéances internationales.

Robert Page, sélectionneur malgré lui

En novembre dernier, Robert Page ne pensait sans doute pas qu’il serait le chef d’orchestre du Pays de Galles à l’Euro 2020. Entraîneur adjoint de Ryan Giggs depuis 2019, il ne devait être qu’un simple intérim avant de laisser l’ancien milieu de Manchester United (re)prendre la main. Les turbulences judiciaires sont passées par là. Accusé de violences sur sa petite amie et une autre femme, Giggs est poursuivi pour des faits de violences conjugales. Le 28 avril, il a plaidé non coupable devant le tribunal de Manchester. Une position inconfortable qui a contraint la fédération galloise à revoir ses plans et maintenir Robert Page à la tête de la sélection. À 46 ans, le natif de Llwynypia va donc mener les Dragons à l’Euro dans la peau du numéro 1. 

Pour s’étalonner, Page a quand même pu disputer six matches avec le Pays de Galles. Le bilan : quatre victoires face à l’Irlande, la Finlande, le Mexique et la République Tchèque, un nul contre les États-Unis et une défaite, ironie du destin, face à la Belgique. Tout cela, dans un 3-4-3 résolument défensif et une volonté de laisser le ballon à l’adversaire. Objectif, jouer sur la qualité de ses joueurs offensifs, extrêmement mobiles, et les décharger des tâches défensives en incluant, souvent, des latéraux au milieu. Défendre, tout en exploitant les contres avec un faux n°9 (Wilson ou Brooks, voire Bale). C’est sans doute ce que les adversaires du Pays de Galles verront à l’Euro. Car les Gallois n’ont pas hérité du groupe le plus facile de la compétition avec l’Italie, la Turquie et la Suisse. Trois oppositions différentes dans le style et qui seront quasiment les premières de marque de la sélection depuis cinq ans. En effet, on a beaucoup reproché en coulisses à la fédération galloise de ne pas disputer des matches amicaux contre des sélections de premier plan en Europe. Et ce n’est pas la rencontre amicale à Nice, le 2 juin, face à la France qui changera la donne. 

Robert Page, adjoint de Giggs a été nommé en mars sélectionneur du Pays de Galles pour l’Euro. © The Independant

Si la pression est moins forte et que les attentes sont moindres qu’il y a cinq ans, les fans gallois n’ont pas forcément envie de vivre un calvaire en phase de poules. Certains rêvent même secrètement d’un nouvel exploit. Pour cela, le Pays de Galles devra franchir le cap du premier tour avec une génération en plein apprentissage. Mais rien n’est impossible et les anciens y croient. “Ils n’ont pas la pression, confiait Neil Taylor, l’un des héros de 2016 à The Mail la semaine passée. Si j’avais un message à leur transmettre, ce serait de croire en eux. C’est leur premier tournoi, ils ont tout à gagner. Certains joueurs pré-sélectionnés étaient dans la fan zone à Cardiff il y a cinq ans. Ils ont connu de magnifiques moments. Ils peuvent rendre la pareille. C’est déjà incroyable d’être à l’Euro”. Et l’histoire est faite pour se réécrire. De Cardiff à Swansea, en passant par Newport et Wrexham, le Pays de Galles veut revivre de délicieux moments. 

La composition probable : Daniel Ward, Joe Rodon, Ben Davies, Chris Mepham – Ethan Ampadu, Aaron Ramsey, Connor Roberts, Neco Williams – Daniel James, Gareth Bale, Harry Wilson/ou Kieffer Moore. 

La liste des 26 joueurs retenus pour l’Euro 2020

Gardiens : Wayne Hennessey (Crystal Palace), Daniel Ward (Leicester City), Adam Davies (Stoke City)

Défenseurs : Tom Lockyer (Luton Town), Joe Rodon (Tottenham), Chris Mepham (Bournemouth), Chris Gunter (Charlton), Rhys Norrington-Davies (Sheffield United), Connor Roberts (Swansea), Ben Cabango (Swansea), Neco Williams (Liverpool), Ben Davies (Tottenham)

Milieux : Joe Allen (Stoke City), Joe Morrel (Luton Town), Ethan Ampadu (Chelsea), Matthew Smith (Manchester City), Jonathan Williams (Cardiff City), Aaron Ramsey (Juventus), Dylan Levitt (Manchester United), Rubin Colwill (Cardiff City), David Brooks (Bournemouth)

Attaquants : Kieffer Moore (Cardiff City), Gareth Bale (Real Madrid), Tyler Roberts (Leeds United), Daniel James (Manchester United), Harry Wilson (Liverpool)

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L’auteur

Thomas

Thomas

Étudiant en journalisme, amoureux du football britannique et des divisions inférieures.