Aaron Ramsey et Gareth Bale, les deux cadors

Ce sont très certainement les deux meilleurs joueurs gallois de la dernière décennie. Aaron Ramsey et Gareth Bale. Deux joyaux d’une génération galloise qui a connu ses heures de gloire à l’occasion de l’Euro 2016 en France, au travers d’un parcours historique qui a vu les Dragons atteindre les demi-finales de la compétition. Si aujourd’hui les deux compatriotes connaissent des situations personnelles compliquées après avoir rayonné en territoire londonien, il y a fort à parier que les pièces maîtresses du sélectionneur intérimaire Robert Page auront à cœur de secouer l’Europe à nouveau.
Londres, marquée au fer rouge
S’il y a bien une ville qui doit se rappeler du passage des deux Gallois sur ses terrains de football, c’est la capitale londonienne. En effet, c’est respectivement à Arsenal et Tottenham qu’Aaron Ramsey et Gareth Bale ont joué le meilleur de leur football.
Du côté de l’Emirates, après des débuts prometteurs, la carrière du jeune milieu gallois est sévèrement interrompue le 27 février 2010. Alors qu’Arsenal se déplace au Britannia Stadium de Stoke City, un tacle d’une rare violence de Ryan Shawcross brise la jambe du joueur d’Arsenal à sept endroits différents. Il lui faudra plusieurs mois avant de recommencer à jouer au football.
En 2011, après plusieurs expériences en prêt, il devient un joueur important de l’effectif sous les ordres d’Arsène Wenger. Il sera alors baladé à plusieurs postes, devenant un véritable couteau suisse : milieu offensif, milieu relayeur, milieu défensif, arrière droit. Mais ses prestations sont trop irrégulières et Ramsey peine à retrouver son niveau d’avant-blessure. Il faudra attendre la campagne 2013-2014 pour qu’il exploite pleinement son potentiel. Ayant beaucoup plus confiance en ses capacités, il explose et réalise une saison individuelle historique : 16 buts, 10 passes décisives, un winner historique en finale de FA Cup face à Hull City et un statut de joueur de la saison.
À partir de ce moment, Aaron Ramsey devient une figure clé de l’Arsenal de Wenger. Il sera un des principaux artisans des trois FA Cup glanées par le club du Nord de Londres durant cette période (2014, 2015, 2017) et, par deux fois il inscrira un but vainqueur en finale (2014 contre Hull et 2017 face au Chelsea de Conte). En 2019, après une dernière bonne saison sur le plan individuel malgré des blessures, il prend la direction de la Juventus Turin à l’issue de très belles années en territoire londonien.
Mais durant cette période, Aaron Ramsey ne sera pas le seul gallois à briller sur les terrains de Londres, et particulièrement du Nord de Londres. À Tottenham, le rival historique des Gunners, un autre gallois est en train de marquer l’histoire du club. Il se prénomme Gareth Bale.
Fraîchement arrivé de Southampton en 2007, il fera ses débuts la même année pour les Spurs. À cette époque, il occupe encore un poste de latéral gauche. Comme un symbole, il subira également une blessure importante qui entravera son développement : une blessure au ligament droit qui le gardera hors des terrains plusieurs mois. En 2008, à son retour, il devient un titulaire en puissance pour sa première saison pleine avec le club londonien. En 2010, sa progression continue et il prend une nouvelle envergure au sein de l’effectif des Spurs, avec notamment de très bonnes prestations en championnat et en Ligue des Champions face à l’Inter Milan.
Mais il faudra attendre 2012 et un repositionnement acté en tant qu’ailier pour le voir véritablement exploser. Au terme d’une saison spectaculaire sur le plan individuel, Gareth Bale impressionne sous les ordres d’André Villas-Boas : 33 matches, 21 buts et 4 passes décisives. Des accélérations et des frappes de loin qui terrorisent littéralement le reste du Royaume. À tel point qu’au bout de la saison, Bale remporte à la fois le titre de PFA Player of the Season et de PFA Young Player of the Season.
Ses excellentes prestations attirent l’œil des plus gros clubs européens, et c’est finalement le Real Madrid qui parvient à s’attacher les services du Gallois, pour un transfert estimé à 91 millions d’euros. Tout comme Aaron Ramsey, Gareth Bale aura marqué au fer rouge l’histoire d’un club de Londres avant de s’envoler pour l’étranger.
L’appel de l’étranger
Après ses années en territoire londonien, c’est donc pour Madrid que s’envole Gareth Bale, dans un transfert hautement anticipé pour un montant historique. Les joueurs britanniques n’étant pas coutumiers des départs à l’étranger – notamment en Espagne – beaucoup d’attentes entourent ce transfert. Et pourtant, la première partie de saison du Gallois ne se passe pas comme prévu, des blessures venant entraver ses débuts madrilènes.
Il faudra attendre quelques mois pour le voir atteindre un niveau semblable à celui de Tottenham. Aux côtés de Karim Benzema et Cristiano Ronaldo, il fait partie intégrante de la “BBC”, le célèbre trio offensif du Real Madrid. La première saison de Bale sera pleine, avec 22 buts et 16 passes décisives TCC, et notamment un but très important en finale de Ligue des Champions contre l’Atlético de Madrid pour offrir au Real sa Decima.
Sa deuxième saison sera également prometteuse sur le plan individuel. Mais peu à peu, les choses vont commencer à prendre une autre tournure pour le Gallois. Bien qu’il continue à afficher des statistiques respectables, le vent commence à tourner et Gareth Bale perd en régularité. Durant la saison 2017-18, il semble retrouver des sensations et devient à nouveau un joueur important de l’effectif. Il rentre une nouvelle fois dans l’histoire du Real Madrid en finale de Ligue des Champions contre Liverpool, en inscrivant un doublé qui permet au Real de s’imposer 3 buts à 1 face aux Reds.
Puis, ses prestations seront à nouveau en dents de scie, alternant le très bon et le très moyen, dans un contexte de plus en plus difficile. Il ne sera plus en odeur de sainteté auprès des supporters qui lui reprocheront de ne pas s’investir assez pour le club madrilène. Le 19 septembre 2020, son aventure espagnole est mise en suspens alors qu’il rejoint les Spurs, son ancien club, sous la forme d’un prêt. Au final, si Gareth Bale était un transfert qui a secoué le monde du football à son époque, le Gallois n’aura pas complètement convaincu du côté de Madrid. La faute, notamment, à une irrégularité chronique. Et pourtant, ses nombreux coups d’éclats (notamment en finales de Ligue des Champions) l’ont tout de même ancré à jamais dans l’histoire du club madrilène.
Un Gallois rentrant dans l’histoire d’un club aussi emblématique que le Real Madrid : de quoi donner des idées à ses compatriotes. Du côté du Nord de Londres, après le départ d’Arsène Wenger en 2018, Aaron Ramsey perd un entraîneur qui a toujours cru en lui et qui a toujours eu confiance en son potentiel. Si son statut de cadre n’est pourtant plus à prouver, les choses vont petit à petit se compliquer pour le Gallois, avec un club dans un contexte de plus en plus difficile et peinant à retrouver les places européennes. Après l’arrivée d’Unai Emery à la tête du club, il réalise une dernière bonne saison au cours de la campagne 2018-19. Alors qu’il ne lui reste que quelques mois de contrat, les négociations pour une prolongation avec Arsenal sont au point mort.
Des rumeurs concernant un éventuel départ à la Juve commencent à émerger dans la presse, et elles se concrétisent en février 2019 : Aaron Ramsey sera un joueur de Turin la saison suivante. Le Gallois va donc quitter son club après plus de 10 années passées dans le Nord de Londres. En deuxième partie de saison, alors qu’Arsenal est toujours en lice pour se qualifier pour la Ligue des Champions, ses prestations permettent aux Gunners de continuer à rêver d’Europe. Mais en avril, une blessure vient mettre fin à sa saison et à son passage londonien. Arsenal finit par dégringoler dans les dernières journées et échoue à se qualifier pour la Ligue des Champions. Le Gallois quittera le club pour l’Italie l’été suivant, avec l’ambition de gagner des titres majeurs en terres turinoises.

Une période mitigée
S’il est rare de voir des joueurs britanniques s’exporter à l’étranger, il est encore plus rare de voir des Gallois rejoindre la Juventus de Turin. Après John Charles et Ian Rush, Aaron Ramsey est seulement le troisième Gallois de l’histoire à rejoindre la Vieille Dame. Si son arrivée ne coûte rien à la Juventus car il arrive gratuitement, la Juve doit tout de même assumer son salaire mirobolant, estimé à plus de 400 000 livres par semaine. De plus, Aaron Ramsey arrive dans une Juve en pleine reconstruction, voire en fin de cycle et à la recherche d’une nouvelle identité football à faire valoir. Malheureusement, tout ne va pas se passer comme prévu pour le Gallois. De nombreux pépins physiques l’empêchent de jouer régulièrement, chose dont il a cruellement besoin pour exprimer son plein potentiel.
Aaron Ramsey est en effet un joueur qui marche au rythme et à la confiance. Il n’aura aucun des deux à la Juventus. Après deux saisons, sept blessures différentes et 65 matches disputés (dont une majorité dans lesquels il sera seulement entré en jeu), son bilan s’avère bien en deçà des espérances suscitées au pays de la botte. Difficile de justifier le salaire exorbitant que la Juventus a daigné lui offrir à son arrivée. Alors que le mercato arrive à grands pas, il se murmure que la Juventus souhaiterait s’en séparer coûte que coûte. Un retour à Arsenal a d’ores et déjà été évoqué par certains tabloïds gallois et anglais. Mais il paraît peu probable que le club londonien, en pleine reconstruction, accepte de récupérer le milieu de terrain. Les causes ? Son âge avancé (31 ans) et un salaire omnipotent.
Si un retour d’Aaron Ramsey à Arsenal ne semble pas être à l’ordre du jour, un autre Gallois a lui franchi le pas en début de saison. Indésirable à Madrid, particulièrement suite à l’épisode du drapeau “Wales, Golf, Madrid. In that order.” qu’il a arboré après la qualification du Pays de Galles pour l’Euro 2020, c’est donc dans son ancien club que Gareth Bale est retourné en prêt en septembre. Avec une double ambition : premièrement, retrouver du temps de jeu et des sensations dans un cadre qui lui correspond plus. Deuxièmement, préparer une échéance très importante à venir : l’Euro 2020. Sous les ordres de José Mourinho, Gareth Bale est principalement utilisé en tant que remplaçant : il entre en jeu pendant les matches de Premier League et est titulaire dans les différentes coupes. Il inscrit son premier but avec Tottenham depuis 2013 contre Brighton début novembre. En coulisses, sa relation avec le coach Portugais n’est pas au beau fixe. Ce dernier lui reprochant, entre autres, une certaine nonchalance.
Toutefois, il connaît un véritable regain de forme à partir de février, où il se montre beaucoup plus décisif. On se rappellera par exemple de ses doublés face à Burnley et Crystal Palace, en mars. Mais le Tottenham version Mourinho peine à convaincre en cette deuxième partie de saison. Trop frileux, les Spurs n’affichent que très peu d’ambitions offensives, et s’arrêtent souvent de jouer après avoir inscrit le premier but. Un contexte qui n’est donc pas idéal pour un ailier gallois en quête de sensations. En avril, alors que José Mourinho est licencié par le club, l’ancien de la maison Ryan Mason assure l’intérim jusqu’à la fin de saison. Bale retrouve son football, notamment contre Sheffield United (triplé) et Leicester (doublé) durant la dernière journée de championnat.
Au final, si Aaron Ramsey et Gareth Bale ont connu des périodes fastes, notamment en 2016 avec comme point culminant le fabuleux parcours du Pays de Galles à l’Euro, 2016 ne ressemble pas à 2021 pour les Gallois. A cette époque, le milieu de terrain d’Arsenal et l’ailier madrilène sortaient de bien meilleures saisons sur le plan individuel avant d’attaquer l’Euro. Aaron Ramsey était en train de gagner un nouveau statut à Arsenal, tandis que Bale sortait de premières saisons prometteuses avec le Real.
Aujourd’hui, l’ex-Gunner est en partance de la Juventus, après une saison médiocre et un passage plus que moyen, tandis que Gareth Bale est supposé rentrer à Madrid, où il est indésirable, à l’issue d’un prêt dans lequel il n’aura pas su combattre son irrégularité chronique. Nul doute que les compatriotes gallois devront élever leur football s’ils veulent espérer faire rêver à nouveau leur pays.
Les cadors de la sélection galloise
Il est vrai que les choses ont beaucoup évolué pour les Gallois depuis leur parcours historique de 2016. Chris Coleman, l’ancien sélectionneur a quitté ses fonctions fin 2017, avant l’intronisation de Ryan Giggs. Les mots d’ordre de la légende de Manchester United à son arrivée : la jeunesse et le ballon. Le Pays de Galles se veut plus joueur, avec une nouvelle génération composée de plusieurs jeunes joueurs prometteurs : Ethan Ampadu, Matt Smith, David Brooks, Harry Wilson, Daniel James ou encore Joe Rondon. C’est sur cette jeunesse que Giggs souhaite fonder son projet.
Malheureusement, les premiers résultats sont décevants et la participation du Pays de Galles à l’Euro 2020 est même menacée après une phase aller de qualifications plus que médiocre. Mais deux joueurs vont parvenir à hausser leur niveau de jeu et à transcender le collectif gallois : Aaron Ramsey et Gareth Bale. En véritables cadors, leaders de cette jeune génération en soif d’apprentissage, ils mènent le Pays de Galles jusqu’à la qualification pour l’Euro 2020.
La majorité de la génération de 2016 a été laissée sur le carreau pour faire la place aux jeunes pousses. Mais Gareth Bale et Aaron Ramsey sont toujours là et occupent une place plus importante que jamais. C’est justement sur cet alliage entre jeunesse fougueuse et cadors qui ont l’expérience des grands clubs, des gros matches et des grandes compétitions que Ryan Giggs compte. Ce sont aujourd’hui sans conteste les deux meilleurs joueurs gallois de la décennie et ils auront à cœur de mener leur nation le plus loin possible dans ce qui sera sans doute le dernier Euro de leurs carrières. Mais le contexte gallois n’est pas des plus faciles. Après que Ryan Giggs ait été accusé de violences sur sa petite amie et sur une autre femme, la fédération galloise a décidé de ne pas l’envoyer à l’Euro.
C’est donc son adjoint Robert Page qui assurera l’intérim pendant la compétition. Une nouvelle forcément déstabilisante pour un groupe qui ne sera donc pas coaché par son sélectionneur principal, mais par un intérimaire. Plus que jamais, ce sera donc à Aaron Ramsey et Gareth Bale d’assumer leurs rôles de leaders dans ce contexte difficile, afin de guider cette jeune génération galloise vers les sommets. Après tout, personne n’attendait les Gallois en 2016. Peut-être que ce mélange de fougue et d’insouciance, combinée à l’expérience et au leadership de certains cadres, sera le facteur clé d’une compétition réussie pour le Pays de Galles. Réponse le 12 juin prochain, avec un premier match contre la Suisse.