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Preview Euro 2020 : Les Three Lions montrent leurs dents

Depuis l’arrivée de Gareth Southgate, l’Angleterre semble en progression permanente. L’aventure inattendue en Russie il y a trois ans a permis à l’ancien défenseur international de continuer à construire et peaufiner sa sélection. La troisième place lors de la première édition de la Ligue des Nations fût un argument de la bonne direction suivie. Cet Euro, dont 8 rencontres se dérouleront à Wembley, doit confirmer cette progression continue.

L’attente de la confirmation

A priori, il y avait peu à attendre de la jeune garde anglaise de Gareth Southgate, arrivé à la tête de la sélection après l’Euro en France, et la défection rapide de Sam Allardyce suite au scandale de corruption en Angleterre impliquant le contournement de la tierce-propriété dans le football. Une équipe en pleine reconstruction, conséquence de la douche islandaise assez glaciale en huitièmes de finale de l’Euro, qualifiée de « honte nationale » par la presse outre-Manche.

Pourtant, suite à son parcours insouciant jusqu’en demi-finale du dernier tournoi planétaire, les attentes ont grimpé en flèche à l’approche du 16e championnat d’Europe des nations. Il est clair que, si ces Three Lions veulent faire mieux qu’il y a trois ans, ils devront disputer leur première finale de tournoi majeur et trouver la clé pour surpasser les meilleurs équipes du continent aux moments cruciaux, ce qui fait encore défaut à la bande à Southgate, semblant toujours être en apprentissage. « Nous devons toujours travailler quand le niveau augmente face à nous. Plus d’exigence, de volonté, et le fait de donner tout ce que nous avons. Notre axe de progression est là et nous savons où appuyer pour essayer de rivaliser avec les meilleurs. C’est dans le processus que je mène depuis que je suis ici » affirmait Gareth Southgate avant la rencontre face à la Belgique à domicile en Ligue des Nations l’automne dernier.

Harry Kane, capitaine, atout majeur des Three Lions et meilleur buteur lors des éliminatoires de l’Euro 2020 (Credit : Reuters)

Réputés pour être les champions du monde des matches amicaux et des éliminatoires, Albion n’a pas dérogé à cette étiquette plaisante quoique dérangeante à l’approche des phases finales de tournois internationaux. Et comme lors des éliminatoires de la Coupe du monde 2018 (aucune défaite depuis plus de dix ans lors de ces phases de qualification), les Anglais ont survolé leur groupe pour se qualifier aisément pour l’Euro 2020 : 7 victoires pour 1 défaite (1-2 à Prague face à la République Tchèque), 37 buts marqués (deuxième meilleur attaque derrière la Belgique, 40) en 8 journées pour seulement 6 encaissés. Des succès larges et probants à domicile (5-0 contre la Tchéquie, 4-0 face à la Bulgarie, 7-0 contre le Montenegro tout en notant le 5-3 face aux Kosovars) alors que les Three Lions ne se sont pas non plus montrés timides à l’extérieur (4-0, 6-0 et 5-1 contre respectivement le Kosovo, la Bulgarie et le Montenegro).

Des chiffres qui valent bien évidemment l’armada offensive impressionnante de Southgate, avec en figure de proue Harry Kane, meilleur buteur des qualifications (12 buts), alors que Raheem Sterling comptabilise 7 passes décisives (en plus de ses 8 pions), meilleur total derrière Memphis Depay (8). Les 5 cleansheets enregistrés par Jordan Pickford, même face à des adversaires largement à la portée de l’Angleterre, démontrent une assise défensive bien mise en place par Gareth Southgate, dont Harry Maguire constitue la tour de contrôle. Si les résultats en Ligue des nations à l’automne dernier (3e du groupe 2 de la Ligue A derrière la Belgique et le Danemark), tendent à prouver que les axes d’amélioration se situent bien lors des confrontations face aux sélections plus huppées, le début des qualifications à la Coupe du monde 2022 en mars, confirme s’il le faut encore une fois que l’Angleterre reste toujours l’ogre des éliminatoires (3 victoires en 3 matches contre St Marin, Albanie et Pologne, avec 9 buts pour 1 seul encaissé).

Southgate hésite sur la forme

Il sait où se situe sa mission, d’où il tire son exigence – transformer son groupe de gentils lionceaux en félins dominants et rageurs pour enfin permettre à l’Angleterre de lutter pour la victoire finale. Ce rôle d’ « éternel outsider » qui colle à la peau de cette sélection constitue un nom de scène peu agréable depuis trop longtemps, peu importe les époques depuis 1966, année du seul titre des Three Lions sur la scène internationale. Et Gareth Southgate entend corriger cet aspect.

L’ancien défenseur d’Aston Villa et Middlesbrough dispose de talents dans son groupe en les personnes de Jack Grealish, Mason Mount, Phil Foden, Jadon Sancho, Declan Rice ou Trent Alexander-Arnold. Et, couplés aux cadres qui font fonctionner la sélection depuis quatre/cinq ans tels que Harry Kane, Raheem Sterling, Marcus Rashford, Harry Maguire, Kyle Walker, Kieran Trippier, Albion possède l’un des effectifs les plus alléchants du plateau. Même si les observateurs de l’autre côté de la Manche, pointent un certain déséquilibre face à la puissance qui se dégage sur toutes les lignes.

Son potentiel offensif est impressionnant, ce qui est assez évident, et c’est de là que le collectif anglais tire sa plus grande force de frappe, alors que le milieu, doté certes de joyaux, apparaît un poil inexpérimenté. Néanmoins sa fougue peut servir, alors qu’on guettera avec attention le retour au jeu de Jordan Henderson, dans une ligne du milieu qui aura bien besoin de son vécu et leadership pour que les jeunes Lions puissent être guidés.

Le secteur défensif, assez tranquille face à des oppositions largement inférieures, s’affirme petit à petit même s’il se retrouve vite en difficulté contre les plus gros calibres, et ce n’est pas la double confrontation face à la Belgique en Ligue des nations à l’automne dernier qui affirmera le contraire. Peu importe le dispositif, Harry Maguire, depuis trois ans, constitue la véritable tour de contrôle alors que Kyle Walker et Kieran Trippier restent des valeurs sûres aux yeux de Southgate. Tout comme Jordan Pickford, considéré comme le point faible de cette équipe, et dont les erreurs et hésitations sont pointées du doigt chaque semaine avec Everton, mais soutenu par le sélectionneur, déclarant à de nombreuses reprises que le portier des Toffees « n’a jamais laissé tomber la sélection ».

Jordan Pickford, gardien n°1 de la sélection, garde la confiance sans faille de Gareth Southgate malgré des performances moyennes en club.
(Crédit : Getty Images)

Au delà de la sélection de certains profils (Trent Alexander-Arnold, Mason Greenwood, Ollie Watkins, Jesse Lingard ou Jude Bellingham avant l’annonce de la liste des 26) qui fût source de discussions et de débats dans la presse anglaise, c’est le style de jeu assez inexistant et surtout la manière dont Gareth Southgate veut manœuvrer sa sélection qui laissent perplexe. Depuis le succès inattendu du parcours en Russie et une place en demi-finale grâce à un schéma tactique en 3-5-2 qui a fait son œuvre, l’ancien technicien de Boro a fonctionné par cycle – un 4-3-3 utilisé pendant un an et demi jusqu’à l’arrêt des compétitions en mars 2020 dû à la pandémie de coronavirus (mais aussi un 4-2-3-1 qui a ressemblé à un fiasco en Tchéquie lors de la seule défaite des Three Lions en éliminatoires), pour ensuite revenir à un back-three lors de la période de la Ligue des nations dans une sorte de 3-4-3 (voire 3-4-2-1) qui n’a pas convaincu grands nombres d’observateurs de la sélection (2 défaites lors des 6 rencontres de l’édition 2020). Le tout avant de revenir au 4-3-3 en mars, bien plus adapté aux qualités et aux profils constituant son groupe et confirmant les résultats probants des éliminatoires de l’Euro.

On a bien compris que Southgate tente de s’appuyer sur plusieurs systèmes et se donner différentes possibilités afin de sélectionner la plus adéquate face à ses adversaires, mais l’hésitation d’un schéma tactique bien ancré semble passer pour une faiblesse dans l’identité de jeu à inculquer à son équipe, peinant toujours à trancher entre une défense à 3 ou 4. Le 4-3-3 entrevu dernièrement tient la corde, sachant qu’il peut donner beaucoup de libertés aux joueurs qui n’en manque pas dans leur jeu, avec Jack Grealish et Phil Foden qui pourraient se positionner en faux ailiers ou en temps que relayeurs, alors qu’un Mason Mount assez malléable est devenu au fil des rassemblements une solution inestimable pour le sélectionneur.

Management ordonné et soigné

A l’approche du grand tournoi, Southgate se sait attendu. Il est à un tournant. Les résultats probants depuis 5 ans à la tête de la sélection A, après trois années à avoir coaché les Espoirs, le dernier carré atteint en Russie couplé à la troisième place acquise en Ligue des nations, la puissance et la solidité toujours prouvées en qualifications, doivent lui permettre de faire grimper son groupe encore plus haut. Il ne ratera pas ses joueurs en cas de mauvaises performances, sait ce qu’il l’attend au niveau de ses responsabilités dans son costume chic du nouvel outsider, alors que son empathie et sa sincérité lui ont permis de s’attirer l’affection du pays après le fiasco en France il y a 5 ans.

Au delà des aspects tactiques et du jeu plus ou moins brouillons qui ne sont réservés qu’au terrain, l’ancien de Villa a démontré qu’il savait manager son groupe à la perfection et gérer les situations de crise. Le soutien affiché à Harry Maguire suite à son arrestation en Grèce après une bagarre. Les exclusions de Mason Greenwood et Phil Foden après avoir brisé les règles liées au protocole Covid lors du déplacement en Islande, sans les accabler pour autant, contrairement aux coups de forces spéciaux des tabloïds outre-Manche, avant de les rappeler (respectivement en mars pour Foden qui fait parti de la liste définitive pour l’Euro et en mai pour Greenwood dans la liste provisoire avant de renoncer pour blessure)… ce sont des exemples parmi d’autres qui le rappellent.

Le sélectionneur anglais s’est affirmé par ses résultats mais aussi et surtout par son management paternaliste. (Credit : Getty Images)

Troisième sélectionneur de l’histoire du football anglais, après les deux Sir, Alf Ramsey et Bobby Robson, à conduire la sélection nationale jusqu’en demi-finale de Coupe du monde, son travail demeure désormais de faire franchir l’ultime cap à son équipe afin d’arriver au sommet et de ne simplement plus le tutoyer. Vainqueur de la Coupe du monde 1966 organisé à domicile, le meilleur résultat des Three Lions à l’Euro fût une troisième place deux ans plus tard en Italie (alors que cette rencontre n’est plus disputée depuis 1980 au championnat d’Europe des nations, d’où l’arrêt stricte en demi-finale en 1996).

Mais Gareth Southgate va aussi accueillir un atout de taille pour cette seizième édition de l’Euro : Wembley. Les Three Lions y disputeront ses trois matches de poules face à la Croatie, l’Ecosse et la République Tchèque, avant potentiellement de retrouver leur antre en demi-finale et finale (8 matches en tout dans le stade national pour cette édition, avec aussi 2 huitièmes de finale. Et c’est très simple : l’Angleterre n’y a jamais perdu en phase finale d’un tournoi majeur (1966 et 1996). Il s’agissait certes du « Old Wembley » avec les Twin Towers et la merveilleuse « Royal Box », mais depuis 2006 et la construction du nouvel écrin, et hormis le fiasco face à la Croatie (tiens !) qui amena la sélection à rater la qualification pour l’Euro 2008, l’Angleterre n’a jamais enregistré de réels couacs et le New Wembley fait bien office de forteresse.

Avec un management à la « Didier Deschamps » pour Southgate, un buteur de classe mondiale et unique en la personne d’Harry Kane, ses joueurs de côté (Sterling, Rashford, Foden, Sancho voire Grealish), ses latéraux de qualité (les 4 arrières droits sélectionnés + Shaw et Chilwell à gauche), et malgré une identité de jeu parfois brouillonne, des errances défensives face à des nations plus huppées, la sélection anglaise, vierge de tout trophée depuis 1966 (son seul et unique d’ailleurs en quasi 150 ans d’existence), s’avance comme l’un des gros outsiders de cet Euro 2020 éparpillés dans onze pays. Et cet effectif, alliant joyaux, talents et expérience, après les belles promesses en Russie, doit aller encore plus loin. Et Gareth Southgate sait ce que cela signifie…

La composition probable (4-3-3) : Jordan Pickford – Kyle Walker, John Stones, Harry Maguire, Ben Chilwell – Jordan Henderson, Declan Rice, Mason Mount – Raheem Sterling, Harry Kane, Marcus Rashford.

La liste des 26

Gardiens : Dean Henderson (Manchester United), Sam Johnstone (West Brom), Jordan Pickford (Everton).

Défenseurs : Trent Alexander-Arnold (Liverpool), Ben Chilwell (Chelsea), Conor Coady (Wolves), Reece James (Chelsea), Harry Maguire (Manchester United), Tyrone Mings (Aston Villa), Luke Shaw (Manchester United), John Stones (Manchester City), Kieran Trippier (Atletico Madrid), Kyle Walker (Manchester City).

Milieux : Jude Bellingham (Borussia Dortmund), Jordan Henderson (Liverpool), Mason Mount (Chelsea), Kalvin Phillips (Leeds), Declan Rice (West Ham).

Attaquants : Dominic Calvert-Lewin (Everton), Phil Foden (Manchester City), Jack Grealish (Aston Villa), Harry Kane (Tottenham), Marcus Rashford (Manchester United), Bukayo Saka (Arsenal), Jadon Sancho (Borussia Dortmund), Raheem Sterling (Manchester City).

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L’auteur

Joff

Joff

Journaliste sportif, fan de la Premier League et du foot anglais. J'aurais aimé être un attaquant racé comme Robin Van Persie, l'élégance de Dennis Bergkamp sans le caractère de Joey Barton.