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Preview PL 2020/2021 : Sheffield United, des lames aiguisées

Pour la reprise de la saison 2020/21 de Premier League, God Save The Foot vous présente chaque jour une de ses équipes. Après douze ans d’absence, Sheffield United a merveilleusement signé son retour en Premier League en accrochant aisément une place dans la première partie de tableau. Une belle performance qui doit permettre au club du Yorkshire de continuer à tracer son chemin parmi l’élite.

Sous son air de « papy rondouillard », Chris Wilder ne peut cacher sa satisfaction du travail (bien) accompli. Alors que la plupart des observateurs et spécialistes du football au sein du Royaume envisageaient, presque sans l’ombre d’un doute, un retour d’ascenseur et à l’envoyeur en Championship, douze ans après un scénario malheureusement déjà entrevu (2006-2007), Sheffield United s’est maintenu en Premier League.

Mais la surprise a laissé place à la stupéfaction pour ces supposés vantards du savoir footballistique britannique, quand ces Blades, tout au long de cet exercice 2019-2020, ont fait plus que rivaliser avec les principaux cadors anglais. Se retrouvant – presque malgré elle – à la lutte pour une place en League Europa, voire en Ligue des champions au sortir de l’hiver, l’équipe du Yorkshire s’est classé finalement neuvième au soir de la 38e journée. Une position au final peu révélatrice de la formidable saison des hommes de Wilder, aussi étonnants que détonants pendant onze mois.

A déjouer tous les pronostics !

Il faut bien le dire, peu, parmi les célèbres bookmakers prêts à parier les cotes les plus folles que le jeu anglais a déjà pu enregistrer dans sa riche histoire, aurait tenté de miser sur une performance globale positive des Blades en ce nouveau cru de PL. D’autant que, après avoir magnifiquement décroché son ticket directement dans l’élite suite à une brillante deuxième place à l’issue du Championship 2018-2019, Chris Wilder, en poste depuis 2016, n’avait presque en rien bousculé son effectif rempli de garanties. L’été dernier, le seul départ notable concernait le milieu Mark Duffy (parti en prêt du côté de Stoke City) alors que certains mouvements entrants furent opérés pour offrir au technicien de 51 ans plus de profondeur et de possibilités dans certains secteurs de jeu.

De retour au bercail, l’enfant du club Phil Jagielka, qui était de la dernière campagne du club en Premier League il y a douze ans, et après un long passage à Everton de la même durée, complétait une ligne défensive déjà solide. En provenance de Swansea, Olie McBurnie (22 buts en Championship) offrait de la concurrence en attaque – notamment à la légende des Blades Billy Sharp (23 pions) -, en compagnie de Lys Mousset (Bournemouth) et Callum Robinson (Preston North End). Défense et attaque renforcées, il ne restait plus qu’à densifier le milieu, par les venues de Ben Osborn (Nottingham Forest), Luke Freeman (QPR), de l’espoir déchu de Manchester United Ravel Morrison, et de Muhamed Besic, prêté, et dont la carrière chez les Toffees n’a jamais vraiment décollé.

Phil Jagielka a fait son retour au club après douze ans à Everton (Crédit : thestar.co.uk)

En réglant le cas épineux de Dean Henderson dès fin juillet – le prometteur gardien anglais avait signé un nouveau contrat à MU (2022) avant de refiler en prêt dans la ‘Steel City’ – Chris Wilder, son staff et ses joueurs s’avançaient armés de forces vives pour débuter ce nouveau chapitre dans l’histoire des Blades. Après un léger retard à l’allumage et une seule victoire au cours des cinq premières journées – rien de dramatique pour une équipe censée jouer sa peau tout au long de la saison – Sheffield United a pris son envol sans être attrapé par un pseudo complexe d’infériorité.

Jusqu’à l’arrêt du championnat en mars, Chris Wilder réalise des merveilles : son 3-5-2 importé de Championship se superpose merveilleusement au combat tactique et physique qu’exige la Premier League, son habilité à hausser le niveau individuel de ses joueurs est saluée par la presse britannique et sa capacité à créer une osmose, à sublimer et unifier un collectif huilé fait l’unanimité. S’il s’appuie sur un XI type qui bouge très peu, l’enchaînement des rencontres à haute intensité – avec des joueurs déjà rompus à l’antichambre depuis deux ans – ne semble réellement pas un problème pour les Blades, qui assimilent tous les paramètres complexes que peut exposer la Premier League.

De mi-septembre à début mars, Sheffield United enchaîne les (très) bons résultats et se montre tout aussi solide à l’extérieur. C’est simple : hormis quatre revers lors des confrontations face aux deux monstres Liverpool et City (aller et retour) – plutôt logique mais dont l’écart de niveau ne constitue en rien un quelconque déshonneur -, les Blades n’ont connu le (mauvais) goût de la défaite qu’à une seule reprise (Newcastle (0-2), le 5 décembre). Les concurrents directs pour le maintien se font essorer un à un, et l’unité affichée de l’équipe se retrouve dans les rencontres face aux autres membres du Big 6 ((2-2) Chelsea, 31 août ; (1-0) et (1-1) Arsenal, 21 octobre et 18 janvier ; (1-1) Tottenham, 9 novembre ; (3-3) Manchester United, 24 novembre).

Au soir de de la 26e journée, Sheffield United est sixième à seulement deux points de la quatrième et dernière place qualificative pour la C1, occupée par Chelsea. Tout simplement inimaginable. Mais le retour de bâton ne se fait pas attendre : l’arrêt de la compétition suite à la situation sanitaire a malheureusement cassé cette dynamique folle, et la reprise de la PL mi-juin semble difficile. Nul d’entrée à Villa (0-0, et une polémique suite à un ballon rentré dans le but des Villans que la goal-line technology n’a pu confirmer), enchaîné par deux lourdes défaites contre Newcastle et Manchester United (deux fois 3-0). Le réveil se fera de la meilleure des manières, et rien ne vaut un retour à Bramall Lane (le magnifique antre du club) pour relancer la machine : un 3-1 net et sans bavure contre des Spurs apathiques, suivi d’un 3-0 face à un Chelsea à côté de la plaque, entrecoupé d’une victoire au forceps contre les physiques loups de Wolverhampton (1-0).

Et si Sheffield United a terminé l’exercice avec trois revers, rien ne peut enlever les onze mois (!) magnifiques qu’ont vécu Chris Wilder, ses protégés et l’ensemble des composantes du club en passant par les fans. Le parcours en coupes nationales est également à saluer, car la défaite à domicile contre Sunderland (0-1) au 3e tour de la League Cup fut largement effacée par le quart de finale atteint en FA Cup, contre un Arsenal bien plus serein en fin de saison (1-2) et futur vainqueur.

Après un restart compliqué, SU a retrouvé le sourire contre les Spurs (Crédit : examinerlive.co.uk)

Cette formidable performance en championnat aurait très bien pu s’arrêter net en septembre, pour un différend interne. En coulisse, beaucoup de fans s’inquiétaient de la bataille judiciaire que se livraient les deux propriétaires du club, Kevin McCabe et le Prince Abdullah Al Saud, et sa possible répercussion sur les résultats sportifs de l’équipe, tout juste promue. Après 20 mois de litige, l’ancien chairman a finalement dû céder le reste de ses parts au Saoudien, prenant donc seule les commandes du club. En homme réfléchi et avisé, Chris Wilder a réussi à laisser ses hommes à l’écart de ce micmac des hautes sphères du club devenu malgré lui médiatique dans le Yorkshire, et à rester focus sur ce qui se passe sur le pré vert.

Le coach des Blades peut se sentir renforcé – bien qu’il soit déjà bien installé sur son banc grâce à ses exploits passés (deux montées en Championship et PL) – pour cette première saison dans l’élite. Au-delà d’une certaine force collective que l’ancien joueur du club a insufflé au sein de son effectif, c’est sur un tout autre aspect que le manager s’est distingué au cours de cet exercice : la tactique. Deux des praticiens les plus réputés, Marcelo Bielsa et Pep Guardiola, ont loué cette année ses principes dans ce domaine, et notamment sa capacité à faire évoluer très haut son 3-5-2, avec des défenseurs centraux très excentrés qui n’hésitent pas à monter et des pistons travailleurs qui compensent les trous laissés derrière.

Le travail de Chris Wilder fut salué beaucoup cette saison, notamment par Pep Guardiola (Crédit : football365.com)

Son trio John Fleck-Olie Norwood-John Lundstram/Sander Berge s’est avéré l’un des milieux les plus complémentaires du championnat. Le Nord-Irlandais formé à MU constitue la plaque tournante des siens sur le terrain (au point d’être considéré comme le « Pirlo de Sheffield »), bien aidé par ses coéquipiers placés plus haut et qui apportent de vraies solutions offensives à la doublette d’attaque. Celle-ci a beaucoup tourné au cours de l’exercice, avec Olie McBurnie, David McGoldrick ou Billy Sharp alignés le plus souvent. Elle s’est montrée cependant peu efficace (11 buts à eux trois en PL) malgré un travail de sape incessant réalisé et une volonté non feinte de fatiguer les défenses adverses.

Conservatisme… mais pas trop !

Avec un schéma tactique bien affirmé mêlé à un onze de départ qui ne bouge qu’à la marge, que pouvons-nous donc attendre du mercato de Sheffield United au cours de cette transition été/automne 2020 ? Le côté conservateur de Wilder pourrait indiquer que le coach des Blades ne souhaite que modérément modifier son groupe, mais cette tendance dessinée ne devrait pas aller dans ce sens.

Le poste tellement important de gardien de but fut tout de suite touché dû au retour de Dean Henderson dans son club de Manchester United. Le néo-international anglais a réalisé des prouesses dans les cages cette saison (sans oublier celle en Championship 2018/2019) et Wilder avait exprimé dès le restart son profond désir de le conserver en prêt une troisième fois de suite. Confronté à cette réalité, le board et la cellule de recrutement ont étudié le marché et jeté leur dévolu sur la promesse Aaron Ramsdale, gardien des Three Lions U21 et des Cherries de Bournemouth, désormais relégués en D2.

Le prix ? £18,5M (et contrat de quatre ans) pour s’attacher les services du jeune portier de 22 ans, pour qui le départ pour Sheffield est un retour aux sources (formé chez les Blades, il y a également signé son premier contrat professionnel en 2016). Le titulaire en poche, il ne restait plus qu’à lui trouver sa doublure, d’où l’arrivée de Wes Foderingham en provenance des Rangers. L’ancien de Swindon Town ne retrouvera pas forcément plus de temps de jeu dans le Yorkshire, depuis la perte de sa place de titulaire après l’arrivée de Steven Gerrard à Glasgow en 2018. Conséquence : les gardiens numéro 2 et 3, Simon Moore et Michael Verrips, devraient aller voir ailleurs.

Défensivement, rien ne va bouger. La ligne de trois Chris Basham-John Egan-Jack O’Connell restera solidement en place puisque remplie de certitudes. Phil Jagielka et Jack Robinson constitueront toujours de solides solutions en cas de pépin physique, le défenseur formé à Liverpool ayant fait plus que dépanner lors de l’absence sur blessure d’O’Connell lors du restart. Arrivé en janvier, Jack Rodwell – dont on ne savait plus vraiment le rapport au foot ces dernières années – complète les solutions du secteur défensif. L’ancien espoir d’Everton, tout comme Jagielka, a re-signé un bail d’un an (alors que l’initial expirait cet été). La doublette de latéraux/pistons George Baldock-Enda Stevens sera bien évidemment reconduite, sans pour l’instant de doublure(s) attitrée(s) (comme cette saison). La seule, en la personne de Kieron Freeman, fut libérée.

Le milieu suivra normalement la même logique. Le capitaine Olie Norwood et le relayeur John Fleck s’imposeront comme des solutions primaires dans ce secteur, alors que Sander Berge devrait occuper la place aux côtés de Fleck. L’international norvégien, arrivé cet hiver en provenance de Genk et devenu le joueur le plus cher de l’histoire des Blades (24M€), s’est parfaitement fondé dans le collectif des Blades pour prendre petit à petit la place de John Lundstram. Un dossier à surveiller en ce qui concerne le natif de Liverpool, qui entre dans sa dernière année de contrat et qui pourrait voguer vers d’autres horizons. Wilder comptera aussi sur Ben Osborn, bien en vue après la reprise des compétitions en juin. Côté départ : Luke Freeman, malgré quelques entrées en jeu lors de la première partie de saison, est parti en prêt du côté de Nottingham Forest, alors que Ravel Morrison, qui n’a rien apporté (tout comme Muhamed Besic prêté par Everton) a vu son contrat résilié.

Sander Berge s’est parfaitement intégré chez les Blades depuis son arrivée en janvier (Crédit : yorkshirepost.co.uk)

Des assurances existent en attaque, mais rien n’est figé de ce côté du terrain. Chris Wilder va probablement continuer à mixer sa petite salade et changer régulièrement son duo offensif, même si certains, plus que d’autres (comme révélé plus haut), ont réussi à tirer leurs épingles du jeu. McBurnie (6 buts en PL), Sharp (3 pions, plus en vue lors de la deuxième partie de saison) et McGoldrick (seulement 2 réalisations, et qui a prolongé jusqu’en 2022) se disputeront deux places. Mais Lys Mousset, plus en difficulté après un bon départ (devenu le premier Français à effectuer trois assists en première période d’un match de PL le 2 novembre contre Burnley) aura à cœur de bousculer la hiérarchie. Prêté à WBA en janvier dernier malgré deux premiers mois de compétition intéressant, Callum Robinson ne devrait rester pas dans la capitale britannique de l’acier. La quête d’un nouvel attaquant, après celle du gardien de but, va constituer le principal chantier de Wilder, qui entend renforcer sa ligne offensive après les difficultés affichées par ses attaquants l’an passé.

Sheffield United, après ces deux postes primordiaux visés, n’en a pas fini avec le marché des transferts, dans le sens des arrivées. C’est ce qu’a déclaré Chris Wilder dans le Yorkshire Post, l’activité de la cellule de recrutement et l’avancée des négociations étant ralenties par la trêve internationale. « J’attends des arrivées la semaine prochaine, affirme-t-il. Mais je suis tranquille avec ça. Nous avons fait des offres, nous négocions et espérons que les garçons engagés dans leur équipe nationale seront des joueurs de Sheffield United à leurs retours. Nous sommes sur cinq joueurs, et si un seul ne peut pas venir nous regardons autre part. Nous devons passer par cela, c’est un processus. Nous bossons aussi dur qu’un club de football devrait le faire ».

Sans préciser les positions de ces potentielles recrues, le coach espère les avoir à disposition pour le premier match de la nouvelle saison 2020-2021 de PL des Blades, le 14 septembre face à Wolverhampton.

Objectif maintien… Mais plus encore ?

Après le rappel de l’énorme saison de la bande à Wilder, ajoutée d’une projection des forces en présence et des potentiels additions qui pourraient débarquer, qu’attendre de cette deuxième présence de suite de Sheffield United dans l’élite du football anglais (la dernière fois remonte aux saisons 1992-1993 et 1993-1994, soit les deux années après la création de la PL) ? Les belles performances, dont tous ses concurrents furent témoins au cours de ces onze derniers mois, ne doivent plus masquer le statut d’une « équipe sans ambition et sans futur dans l’élite », à la seule préoccupation du maintien, que les détracteurs voulaient lui coller l’été dernier.

https://twitter.com/SheffieldUnited/status/1296415773129351168

Cette « fausse neuvième place » ne doit rien au hasard, mais bien à l’approche collective et tactique que Chris Wilder s’est fait de la Premier League. L’accolade effectuée par José Mourinho, qui a causé l’interruption de l’interview d’après-match du coach de SU, dans le seul but de le féliciter après la démonstration des siens face aux Spurs en juillet dernier, traduit bien la nouvelle popularité de l’homme que les fans des Blades adulent.

Hormis, les propres prestations de ces joueurs sur le terrain qui amènent aux résultats et à l’avenir plus ou moins glorieux d’un entraîneur, c’est peut-être sans doute l’attachement viscéral que possède Wilder au club qu’il entraîne depuis quatre ans qui explique le mieux la réussite sportive de son groupe. Ramasseur de balle dans sa jeunesse puis défenseur droit pendant six ans (1986-1992, certes entrecoupés de différents prêts), son tatouage du blason du club ancré dans sa peau traduit excellemment bien ce dévouement qui se reflète inévitablement dans les résultats. Elle se trouve sans doute ici, la genèse d’un Sheffield United plus brillant que jamais depuis l’après-guerre.

Face à une Première League toujours plus compétitive, l’objectif ne s’avèrera en rien un secret pour personne : le maintien. Aussi souple que possible. Mais si les Blades ont de nouveau une envie folle de semer la zizanie dans la course aux places européennes parmi les gros, ça ne serait pas pour nous déplaire… Alors, aiguisées ces lames ?

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L’auteur

Joff

Joff

Journaliste sportif, fan de la Premier League et du foot anglais. J'aurais aimé être un attaquant racé comme Robin Van Persie, l'élégance de Dennis Bergkamp sans le caractère de Joey Barton.