Preview PL 2019/20 : Manchester City, les sentiers de la gloire

Pour la reprise de la saison 2019/20 de Premier League, God Save The Foot vous présente chaque jour une de ses équipes. Fort de deux titres consécutifs, Manchester City vise un triplé historique en Premier League, qui marquerait encore un peu plus la domination et l’emprise des hommes de Guardiola sur l’élite du football anglais.
Un doublé marqué au fer rouge
Sur ces dernières années, rarement un duel n’avait été aussi haletant en Premier League. Un duel rendu inédit par les hauteurs auxquelles se sont élevées Manchester City et Liverpool la saison passée. Après une saison terminée avec 100 points au compteur, il était légitime de penser que Manchester City ne pourrait que difficilement s’approcher à nouveau de tels cimes. Et pourtant, les Skyblues ont presque réitéré leur exploit avec 98 points et un titre acquis à l’ultime journée après une série de quatorze succès consécutifs. C’est dire à quel point les champions en titre ont été poussés dans leur retranchement par un formidable Liverpool. Un duel qui se sera, rétrospectivement, joué un soir de janvier 2019 à l’Etihad Stadium face aux Reds.

Avant cela, les Citizens avaient parfaitement lancé leur saison à l’Emirates, ne concédant que deux nuls à Wolverhampton et… Anfield avant de céder dangereusement du terrain en décembre en s’inclinant à trois reprises à Stamford Bridge et Leicester, ainsi qu’à domicile face à Crystal Palace sur une volée somptueuse de Townsend entre autres. L’adage de Sir Alex Ferguson, stipulant que le titre pouvait se perdre au Boxing Day, semblait avoir raison des hommes de Pep Guardiola, visiblement émoussés à l’un des moments clés de la saison. Au moment de rencontrer l’armée de Jürgen Klopp à l’Etihad Stadium, dont l’armure apparaissait si solide, au soir du 3 janvier, c’était la Premier League qui se jouait. Déjà situés à 7 points du futur champion d’Europe, Manchester se voyait dans l’obligation de gagner, ou du moins de ne pas perdre dans le pire des cas. La suite est connue : un sauvetage miraculeux de Stones sur sa ligne, deux réalisations d’Agüero et Sané entrecoupées de l’égalisation de Firmino et le retour de la bande à Pep à 4 points du leader.

Mis à part un nouvel accroc à Newcastle, City a de nouveau enclenché la formidable machine à gagner pour aligner 14 victoires consécutives, toujours sous la pression des Reds qui, sans jamais flancher, auront laissé quelques précieuses plumes ici et là avant le printemps. Seule l’avant dernière journée, dans une soirée de toutes les angoisses à l’Etihad face à Leicester, a véritablement remis en cause le doublé de City, avant que Vincent Kompany ne délivre les siens d’une frappe improbable. Le supplément d’âme qui scellera le sort de la saison.
Un mercato raisonnable et sans paillettes
Souvent associé à la cupidité et l’arrogance dès qu’il s’agit d’argent, Manchester City a, en apparence, donné raison à ses détracteurs en dépensant près de 170 millions d’euros sur le marché des transferts. Pourtant, et contrairement aux folies dépensières de certains étés, l’argent dépensé l’a été à bon escient sur le plan sportif. Les besoins de l’effectif Mancunien relevaient du secret de polichinelle. Un milieu défensif était ardemment désiré depuis un moment. Le reste relevait d’opportunités de marché. L’activation de la clause de rachat d’Angelino, qui évoluait au PSV Eindhoven, en fait partie, principalement pour épauler le duo Zinchenko-Mendy dans le couloir gauche, ou même la défense centrale en cas de pénurie.

L’échange entre Cancelo et Danilo s’apparente également à une opportunité de marché. Le deal entre le champion d’Angleterre et la Juve apparaît comme une excellente affaire sur le plan sportif. Il n’est pas impossible de penser, cependant, que City se sépare d’un latéral droit loyal et qui ne s’est jamais plaint d’une situation où il vivait la plupart des matches depuis le banc de touche. Il n’est pas certain que le latéral portugais accepte avec la même patience un séjour prolongé sur le bord du terrain. La saison pleine et souvent longue des Skyblues lui offrira toutefois un certain temps de jeu. Il pourra se dire, pour se rassurer, que Bernardo Silva a vécu un statut de remplaçant de luxe lors de sa première saison avant d’être un des moteurs du titre acquis la saison passée.
Le chaînon manquant de l’effectif des Skyblues reste néanmoins Rodri, acheté pour seconder, et même succéder dès maintenant à Fernandinho au poste de milieu récupérateur. La principale question qui peut se poser à son sujet est celle de son adaptation au jeu de Manchester City, lui qui évolué dans un tout autre style à l’Atletico Madrid. En outre, longtemps habitué à évoluer dans un 4-4-2 dans la capitale espagnole, le milieu de 23 ans va devoir s’accommoder des exigences de Guardiola au poste de numéro 6 devant la défense, un des postes clés sous la houlette du coach catalan. Le comparatif des passes de Fernandinho et Rodri selon les zones du terrain témoigne en effet d’une tendance plus prononcée à la verticalité chez le milieu brésilien, et à laquelle le milieu espagnol devra également satisfaire.


Il possède toutefois un jeu long précis qui devrait lui permettre de se mettre en valeur cette saison. En revanche, ses premières apparitions dans l’élite anglaise ont pu montrer certaines fragilités, notamment sur quelques transmissions assez simples et un manque d’anticipation du pressing adverse. Ses performances seront ainsi scrutées de près lors des matches à enjeu.
Une défense désarmée ?
S’il fallait chercher le talon d’Achille cette saison, à l’image du poste de milieu défensif par le passé, il se situe sans doute au niveau de la défense centrale des Skyblues. Orphelins de leur capitaine emblématique Vincent Kompany, les dirigeants mancuniens n’ont pas réussi à pallier le départ du Belge. Au moment où Aymeric Laporte s’est probablement blessé pour un long moment, cela laisse les Skyblues avec un éventail de solutions plus réduit qu’auparavant. Le palliatif à cette situation s’appellerait finalement… Fernandinho. L’arrivée de Rodri et la polyvalance de Gündogan dans l’entre-jeu permetrait de faire redescendre le milieu de 34 ans d’un cran sur le terrain. Sauf que le Brésilien, aussi expérimenté soit-il, n’a jamais été un pur adepte du poste.
Pep Guardiola, lui, s’était en tout cas préparé à l’éventualité de titulariser le joueur en défense. « Je pense qu’il a les qualités requises pour jouer défenseur. Il est intelligent, rapide, bon dans le jeu de tête. Il peut voir ce qu’il se passe devant lui, il peut jouer aux deux positions », supposait l’ancien entraîneur du Barça. Ce dernier a pu vérifier ses postulats face à Brighton ce week-end, qui ont confirmé la propreté, dont peu de monde doutait, du Brésilien à la relance ainsi que son placement irréprochable. Ces qualités seront primordiales pour préserver les cages de City, d’autant que les pépins physiques réguliers de Stones risquent de compliquer les choses. Derrière les trois joueurs cités, Eric Garcia peut espérer grappiller davantage de temps de jeu après un été auréolé d’un Euro Espoirs avec l’Espagne.
Une attaque fragilisée ?
Le titre peut sembler exagéré tant la force offensive de Manchester City parait inarrêtable, mais la question mérite d’être posée. Concerné par un feuilleton au long cours lors de ce mercato, Leroy Sané ne jouera ni pour le Bayern Munich ni pour Manchester City pendant plusieurs mois, la faute à une rupture des ligaments croisés lors du Community Shield. Son absence peut sembler anodine mais elle laisse Raheem Sterling sans réel remplaçant sur l’aile gauche.

Néanmoins, la polyvalence des Skyblues pourrait rendre envisageables les titularisations de Bernardo, voire Mahrez sur ce côté là. Il ne faut pas oublier, également, que Guardiola n’a jamais exclu un retour du 3-5-2, ce qui laisserait un boulevard aux latéraux offensifs que sont Mendy – quand il sera de retour – et Walker (et même Cancelo). À chaque inquiétude à un poste, Pep Guardiola dispose de solutions, non pas infinies, mais nombreuses tout de même. C’est aussi la force de cette équipe, c’est-à-dire pouvoir à la fois s’adapter à des systèmes de jeu et des adversaires différents. Et, jusque là, personne n’a réussi à gripper la machine sur le long-terme.
Le retour du prince de Belgique
Présent sans jamais l’être l’an dernier, Kevin de Bruyne peut être considéré comme une recrue à part entière cet été. Perturbé par des blessures à répétition et un genou fragile, le milieu belge a dû regarder les grandes batailles se jouer sans lui, démarrant onze rencontres de Premier League à peine. Si son absence a permis à un joueur comme Bernardo Silva de s’affirmer et prendre les rênes de l’équipe, au côté de David Silva dans le cœur du jeu, le joueur qu’il est apporte toute autre chose au jeu des Citizens.
Contrairement aux milieux portugais et espagnol, De Bruyne a cette capacité à casser les lignes, soit par la passe, sa qualité première, soit par sa capacité à donner un coup de rein et à se projeter rapidement vers l’avant. La verticalité et la projection en contre font partie des qualités de Manchester City, au-delà des phases de possession du ballon, et les Skyblues seront bien plus efficaces dans ce domaine avec un milieu qui adore ces situations de jeu.
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Outre l’aspect purement sportif de ce retour, l’aspect humain prime également. Le double meilleur passeur décisif de Premier League a faim et veut aussi rattraper le temps perdu. À ronger son frein pendant plusieurs semaines, KDB est revenu ambitieux et rasséréné par une période de vacances enfin méritée après deux saisons, entrecoupées d’une Coupe du monde, où il n’a pas eu cette opportunité de se reposer. Son début de saison parle, en tout cas, pour lui. Au moment d’écrire ces lignes, l’ancien joueur de Wolfsburg en est déjà à 5 offrandes en 4 journées de championnat. Mieux, le Belge a atteint la barre des 50 passes décisives en Premier League en 123 rencontres, devenant à l’occasion le joueur le plus précoce à atteindre cette barre symbolique dans l’élite anglaise.
Aux portes de l’Histoire
Envisager un nouveau duel avec Liverpool n’a rien d’une vision tant il persiste un écart entre ces deux équipes et les autres candidats aux places européennes. Le recrutement de Manchester City n’aura en rien bousculé les repères d’une équipe qui étonne et engrange une expérience non négligeable chaque année, au travers de ses séries de victoire en Angleterre et ses déceptions sur la scène européenne.
L’an passé, après le premier titre de l’ère Guardiola, le coach catalan déclarait ceci : “Je rejoins les personnes qui disent que, pour être considéré comme une des meilleures équipes de l’histoire du football anglais, vous devez gagner plus.” Rien n’est moins vrai que cette citation, encore, cette année. Remporter un troisième titre consécutif ferait définitivement rentrer le club dans le cercle très fermé des triples vainqueurs à la suite en compagnie de Huddersfield, Liverpool et Manchester United. D’autant que, sans négliger la Ligue des Champions à laquelle court City depuis plusieurs années, Pep Guardiola ne semble pas prêt à sacrifier la Premier League sur l’autel de la coupe aux grandes oreilles. « La Ligue des Champions, c’est comme aller au casino et miser tout ce que j’ai dans la poche sur sept matches » disait le Catalan à la veille du Community Shield. Quand on est aux portes de l’Histoire, mieux vaut garder toutes ses cartes en main.