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Preview PL 2019/20 : Everton, le regard vers le grand large

Pour la reprise de la saison 2019/20 de Premier League, God Save The Foot vous présente chaque jour une de ses équipes. Mené par Marco Silva, Everton a désormais pris le parti de la stabilité et de la patience. La stratégie sportive mise en place et le recrutement qui en découle vont en ce sens. Seuls les résultats manquent pour valider la nouvelle donne entamée par les Toffees. Décryptage.

Un nouveau départ mitigé

Paradoxalement, Everton n’a jamais eu aussi soif d’Europe dans un passé récent, qu’en ces mois brumeux marqués par le Brexit outre-Manche. Une soif qui ne sera pas altérée cette saison au vu de la 8e place plutôt décevante acquise par les Toffees lors de l’exercice écoulé. Ce dernier n’avait pas débuté sous les meilleurs auspices, pour la première saison sur le banc de Marco Silva, avec une seule petite victoire lors des six premières journées. Arrivé en mai 2018 après quelques mois à végéter suite à son éviction de Watford, le coach portugais incarnait pourtant une sorte de renouveau, porté par ses résultats probants obtenus avec les Hornets. Venu avec son porte-bonheur Richarlison dans les bagages pour symboliser ce nouveau départ, le « Special Three » semblait disposer des armes nécessaires pour être « the best of the rest », une image qui colle à la peau des Blues. Sur le court-terme, retrouver la Ligue des Champions, que n’ont pas connu les supporters depuis un tour préliminaire en 2005 (perdu contre Villareal), apparaissait encore un peu utopique. Mais terminer à la 7e place était un objectif aussi légitime que minimal pour le club de Liverpool.

En place depuis mai 2018, Marco Silva n'a pas encore tiré le meilleur de son groupe (Crédits : FourFourTwo).
En place depuis mai 2018, Marco Silva n’a pas encore tiré le meilleur de son groupe (Crédits : FourFourTwo).

Ce mauvais démarrage s’avère pourtant rédhibitoire, sans évoquer les défaites cruelles, en particulier celle face à Liverpool à Anfield lors du derby au bout du temps additionnel, ou cette volée infligée par les Spurs à Goodison Park fin décembre (2-6). Un fiasco qui résonne comme un symbole de l’incapacité chronique des Toffees à casser ce plafond de verre qui les empêche de jouer des coudes avec les cadors du championnat. En douze matches contre le Big six, les Toffees n’ont engrangé que 12 petits points, quand les Wolves en empochaient 16. Toutefois, les succès obtenus face à Chelsea, Arsenal et Manchester United, et les nuls accrochés face à Liverpool et Tottenham à partir de mars laissaient penser à une inversion de la tendance. A l’image du projet initié à West Ham, la saison dernière s’avérait avant tout placée sous le sceau de la transition entre deux philosophies, et même deux projets totalement différents pour le club. Celui incarné par Marco Silva a les mêmes objectifs que le précédent, ramener Everton en Europe, mais avec une méthode bien distincte.

Un mercato mûrement réfléchi

Pour parvenir à ses fins, c’est-à-dire postuler durablement aux places européennes, Everton a entamé une mutation non négligeable dans sa manière d’aborder ses fenêtres de transferts. Un changement auquel a grandement contribué Marcel Brands, le directeur sportif, depuis son arrivée dans le Merseyside en mai 2018, concomitante à celle de Marco Silva. Sous la houlette du Néerlandais, passé par l’AZ Alkmaar et le PSV Eindhoven, les joueurs sont soigneusement ciblés et répondent à la fois à une logique de construction et de pérennité du club afin de le faire grandir en même temps que les joueurs recrutés.

C’est pour cette raison que ceux-ci sont d’abord choisis pour leur âge. Marcel Brands, avec qui Marco Silva entretient de bonnes relations, s’est lancé dans une large prospection des jeunes talents en Europe. Un projet inspiré de ce qui se fait de mieux aux Pays-Bas, c’est-à-dire la formation de jeunes joueurs et leur accompagnement jusqu’au monde professionnel. Pour ce faire, la cellule de recrutement du club a été modifiée et de nouveaux scouts ont ainsi été nommés. Gretar Steinsson, que Brands avait fait venir à l’AZ Alkmaar comme joueur, avant que l’Islandais ne devienne directeur sportif dans ce même club, ainsi qu’à Fleetwood, incarne également le nouveau projet en tant que boss du recrutement en Europe.

Marcel Brands, le nouvel homme fort de la direction sportive depuis 2018 (Crédits : Liverpool Echo).
Marcel Brands, le nouvel homme fort de la direction sportive depuis 2018 (Crédits : Liverpool Echo).

La stratégie souhaitée par Brands doit placer le club dans la lignée des grandes écuries anglaises, et même européennes, comme il l’admet lui-même : « Mon but sur le long-terme est d’amener le club dans une situation où, comme les grands clubs, vous signez deux à trois joueurs et en laisser partir deux ou trois, ce qui doit permettre de donner une plus grande stabilité ». Autrement dit, finie la période, pas si lointaine et représentée par Steve Walsh, où Everton empilait les joueurs sans véritable plan de bataille. Le problème n’était pas tant la qualité des joueurs désignés, que le manque de projet collectif suite à ces multiples arrivées. Un passif incohérent illustré par la campagne de recrutement de l’été 2017 où les Toffees, alors entraînés par Ronald Koeman, ont collectionné les milieux offensifs (Sigurdsson, Rooney, Vlasic) et les attaquants (Walcott, Onyekuru, Sandro Ramirez, Tosun). Beaucoup sont aujourd’hui déjà partis ou sur le départ, symbolisant la précipitation des précédents dirigeants dans leur volonté de challenger le Big six.

« Si nous dépensons de l’argent, nous devons le faire correctement. »

Marcel Brands, directeur sportif, au sujet du mercato des Toffees.

Sous la doublette Silva-Brands, l’accent est donc mis sur un projet mûri et réfléchi, au point de calculer minutieusement le moindre denier dépensé sur le marché. Le temps n’est plus à jeter l’argent par les fenêtres, aligner les gros chèques et espérer que les résultats suivent comme par enchantement. Mieux vaut ne pas dépenser que dépenser à tout-va, c’est l’idée qui ressort des propos donnés par Brands dans une interview pour le site du club : « Si nous dépensons de l’argent, nous devons le faire correctement. Si tu vas en dessous d’un certain niveau, tu devrais plutôt ne rien faire et regarder du côté de l’Academy. Des jeunes frappent à la porte, mais s’ils ont encore du chemin à faire, nous devons leur faire germer l’idée qu’il est possible de faire quelque chose à Everton ». En outre, la maîtrise de la masse salariale est érigée en sacro-saint par Marcel Brands, ce qui explique en partie l’intérêt accru du club pour les jeunes pousses.

Un effectif prévu pour durer

De ce virage à 180 degrés opéré par la nouvelle direction sportive, il en ressort un mercato estival à la hauteur des annonces faites. Chaque poste a été renforcé par des joueurs ne dépassant pas 25-26 ans d’âge pour un montant maximal de 40 millions d’euros pour Iwobi. Pour être précis, deux exceptions ont été faites en termes d’ancienneté. Fabian Delph, jugé précieux pour son expérience des dernières saisons auprès de Guardiola et sa propension à prendre la parole, a été jugé comme une opportunité à saisir pour 10 millions d’euros. Djibril Sidibé, lui, vient renforcer le couloir droit, monopolisé aujourd’hui par Seamus Coleman, à un poste où les bonnes affaires sont devenues rares. Pour le reste, André Gomes (26 ans), revenu définitivement à Liverpool, Jean-Philippe Gbamin (23 ans), Alex Iwobi (23 ans) et, surtout, Moise Kean (19 ans) sont tous en dessous de cette « barrière » générationnelle fixée par les dirigeants des Toffees.

Moise Kean et Jean-Philippe Gbamin font partie de la carte "jeune" déployée par les Toffees (Crédits : TheTimes).
Moise Kean et Jean-Philippe Gbamin font partie de la carte « jeune » déployée par les Toffees (Crédits : TheTimes).

Le but est simple : donner du temps aux joueurs pour grandir et progresser ensemble afin de se rapprocher, avec le temps, d’une qualification pour la Ligue des Champions. D’autant que Marco Silva sait y faire avec les joueurs prometteurs, puisqu’il a donné à l’époque toute sa confiance à Robertson ou Maguire à Hull, tout comme à Doucouré ou Richarlison à Watford. Mais la stratégie évoquée ne date pas de cet été et avait débuté l’an dernier lorsque Lucas Digne, Richarlison, Yerry Mina et Bernard ont été enrôlés, en plus des prêts de Gomes et Zouma.

Et si Everton a beaucoup dégraissé dans le sens des départs cet été (Sandro, Jagielka, McCarthy entre autres), le club a perdu quelques éléments clés de la saison passée, à l’instar d’Idrissa Gueye ou de Kurt Zouma. Si le premier cité a été remplacé numériquement par Gbamin, le second n’a ni pu être prêté à nouveau par Chelsea, ni être remplacé durant l’été. Sur le papier, c’est probablement la seule fragilité de l’effectif des Toffees, qui comptent Holgate comme seul pur défenseur central capable de suppléer le tandem Mina-Keane. Gbamin peut éventuellement dépanner à un poste qu’il a connu avec Mayence, mais l’international ivoirien doit avant tout renforcer un milieu de terrain à la recherche d’un gratteur de ballon aux côtés de Schneiderlin. Si la transformation se fait timidement (intelligemment ?) en défense et dans l’entrejeu, celle opérée sur le front offensif se poursuit tambour battant. Moise Kean vient concurrencer Calvert-Lewin à la pointe de l’attaque tandis qu’Iwobi s’apprête à jouer des coudes avec le duo brésilien Bernard-Richarlison pour gagner ses galons de titulaire.

Un plan de jeu équilibré

Pas toujours connu pour avoir un bilan famélique en défense, Marco Silva a fait de la solidité défensive un des axes sur lesquels faire progresser son groupe l’an passé. Sous ses ordres, Hull et Watford concédaient 1,9 buts par match en moyenne. Un chiffre descendu à 1,2 buts par match l’an passé, soit 46 buts concédés en 38 rencontres, dont 30% d’entre eux rien que sur coups de pied arrêtés, faisant des Toffees la 5e meilleure défense de Premier League. La progression est nette et le fait de s’appuyer sur de meilleurs joueurs ne suffit pas à expliquer cette amélioration significative. Marco Silva mise sur un pressing haut de ses joueurs dès la perte du ballon, son 4-2-3-1 en configuration offensive se transformant en 4-4-2 compact et couvrant toute la largeur du terrain. Un système facilité par la présence de deux gratteurs de ballons qu’étaient Schneiderlin et Gueye, avant que ce dernier ne parte au PSG, suppléé par Gbamin.

Pour mieux apporter le danger, Everton a aussi appris à laisser le ballon pour mieux surprendre son adversaire après la première phase de pressing. Contre Watford, lors de la 2e journée, les Toffees ont volontiers laissé la possession à leurs vis-à-vis (56% pour les Hornets). Et l’unique but de la partie inscrit par Bernard est une illustration de ce dont est capable Everton. Suite à une récupération dans le camp des Toffees, Digne opère par un long ballon vers Bernard sur l’aile gauche, alors que huit Hornets se trouvent dans la moitié de terrain adverse. L’ailier brésilien déborde, rentre sur son pied droit et trompe Foster. Presque trop simple.

Dès la récupération du ballon, Bernard (en bas à gauche) fait un appel dans le dos de Kiko, tandis que 8 Hornets se trouvent encore dans le camp des Toffees (Crédits : Everton FC).
Dès la récupération du ballon, Bernard (en bas à gauche) fait un appel dans le dos de Kiko, tandis que 8 Hornets se trouvent encore dans le camp des Toffees (Crédits : Everton FC).

D’autant que sur attaque placée, les Toffees peuvent compter sur des joueurs tout aussi techniques pour créer du danger dans des espaces restreints, ce que suggèrent les achats d’Iwobi et Kean qui s’ajoutent à des talents tels Sigurdsson, Bernard ou Richarlison. Avec un surplus d’efficacité et de complicité parmi le quatuor offensif, et une assise défensive confirmée, Everton présente tous les arguments d’une équipe apte à être régulière sur l’ensemble de la saison. Et à potentiellement challenger les équipes supposées supérieures en raison de sa souplesse tactique.

Moise Kean, un joyau à polir et endurcir

On aurait évidemment pu évoquer la saison dernière de Lucas Digne, élu meilleur joueur du club à un poste longtemps resté la chasse gardée de Leighton Baines. Pas forcément la recrue la plus clinquante des Toffees, le latéral tricolore est celui qui a réussi le plus de centres lors de l’exercice précédent, scorant à quatre reprises en bonus.

Prodige annoncé, Moise Kean a fait le pari de signer à Everton (Crédits : Premier League).
Prodige annoncé, Moise Kean a fait le pari de signer à Everton (Crédits : Premier League).

D’autant que tout a pourtant été dit, ou presque, sur Moise Kean, son histoire, son malheureux épisode à Cagliari au mois d’avril. Certains ont désigné le transfert du grand espoir italien comme l’une des principales affaires du mercato. D’autres ont, enfin, dessiné un semblant de parallèle entre la trajectoire de l’ancien attaquant de la Juve, et celle du diabolique Mario Balotelli. Une ébauche de comparaison qui ne plaît en tout cas pas au paternel de Kean. « Balotelli, nous connaissons tous son histoire. Je pense que l’argent l’a changé, l’argent l’a rendu impoli. Je sais que ce que je dis est un peu dur, je suis désolé, mais je crois que l’argent l’a amené à un point qu’il n’aurait jamais atteint autrement. Je ne veux pas que mon fils devienne comme lui ».

« Everton est tourné vers l’avenir, tout comme moi. »

Moise Kean à propos de son choix d’avoir opté pour Everton.

Le fiston, humble et bien élevé, a ainsi préféré s’orienter vers Everton, un choix somme toute raisonnable et une étape dans son développement personnel. Ce qui n’a pas empêché l’attaquant de 19 ans de présenter une réelle ambition dès son arrivée. « Ce que je veux, c’est amener Everton en Ligue des Champions » annonçait-il dans un entretien pour The Guardian. Plus qu’une ambition, Moise Kean ressemble surtout à une incarnation, celle d’un projet tourné vers la jeunesse. Un fait dont il a bien conscience. « J’aime Everton. C’est la raison pour laquelle je suis venu ici. Je me reconnais dans cette équipe. Everton est tourné vers l’avenir, tout comme moi » confessait la promesse. Plus que Richarlison – que Marco Silva a convaincu aisément après l’avoir eu sous son aile à Watford – Moise Kean symbolise la patience des dirigeants et une vision à long-terme en n’hésitant pas à aller piocher l’un des jeunes les plus en vus d’Europe, chez un mastodonte continental qui plus est. Les supporters l’ont en tout cas déjà adopté. Ils n’ont d’ailleurs pas hésité à lui afficher leur soutien en élaborant une banderole en soutien contre le racisme pour la rondelette somme de 3000€. Le gamin est déjà chez lui dans la Mersey, à lui de montrer que le futur est déjà là, tout proche.

Un nouveau stade tourné vers le large… et l’Europe

Impossible d’évoquer les ambitions et le projet de long-terme du club sans parler du projet de nouveau stade qui a pris des allures plus concrètes cet été. Pour renouer avec le fil de leur histoire, les Toffees, et en particulier le propriétaire Farhad Moshiri, ont paradoxalement pris le parti de quitter Goodison Park, un stade authentiquement anglais qui ne fait manifestement plus peur à grand monde aujourd’hui. La future enceinte se situerait sur les docks de Liverpool, au bord de la Mersey pour une capacité estimée à 52 000 places. Le stade présente des allures modernes, teintées de nostalgie avec ses briques rouges pour mieux se marier avec son environnement. Symboliquement, Everton pourrait ainsi regarder vers le grand large, l’Irlande, et donc, par la force des choses, l’Europe que le Royaume-Uni souhaite tant quitter.

Prédire le résultat d’Everton s’avère aussi délicat qu’un numéro d’équilibriste. Pour la deuxième saison de Silva sur le banc et le recrutement effectué, Everton fait, encore une fois, figure de favori pour le titre honorifique de champion des treize clubs se disputant les places d’honneur. Une 7e place, potentiellement synonyme de qualification en Europa League en fin de saison, serait le cheminement logique du processus enclenché en 2018. Atteindre la Champions League dès cette saison serait un véritable Graal et relèverait de la surprise. Quoi qu’il en soit, les supporters des Toffees, comme les fans de football anglais en général, sont légitimement en droit d’attendre plus d’une équipe qui a posé toutes les bases d’un club sur qui compter dans le futur. A Goodison Park ou ailleurs.

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L’auteur

Clément

Clément

Suiveur invétéré de Manchester City (oui, c'est possible), nostalgique d'une année passée à proximité d'Elland Road, de Turf Moor et du fameux Emptyhad. Se contente joyeusement de titres en Premier League en attendant, peut-être un jour, une coupe aux grandes oreilles.